NOUS QUI N'EXITONS PAS, de Mélanie Fazi
L’amour et le désir, le couple…Les scientifiques, les neurobiologistes en particulier, se sont penché.e.s sur cette « affaire » qui questionne depuis la nuit des temps : l’amour et le désir comme processus biochimique, savant mélange de chimie et d’influences sociologiques. Les philosophes aussi interrogent le couple ou encore la solitude qui tantôt fait et contrefait, révèle ou détermine…
Et puis, au-delà de ces réflexions, il y a la norme, cette injonction à ce qui doit être conforme aux attentes de la majorité ou d’une société.
Et la norme est au couple, à la sexualité dont les magazines regorgent de recettes d’épanouissement ou d’ enquêtes de fréquence idéale.
Que ressent-on lorsque l’on n’entre pas ces injonctions normatives qui peuvent être oppressantes ?
Dans cet essai-confession, Mélanie Fazi nous livre un témoignage fort sur l’asexualité et l’absence de désir de vie en couple.
Au travers de ses questionnements, elle nous confie avec pudeur sa perception du monde, son cheminement pour poser des mots sur sa « différence », sur cette absence « d’une petite chose très bête que tout être humain est censé posséder : une pulsion considérée comme la chose la plus universelle et la plus banale au monde. Celle qui pousse à chercher un partenaire, à désirer la vie de couple, les relations charnelles, celle qui incite à fonder une famille ».
Autrice de nouvelles fantastiques, Mélanie Fazi ose, un lundi matin, poster un billet sur son blog : « Vivre sans étiquette », tel en était le titre. Pour celle qui ne se dévoilait qu’en touches sibyllines au fil des histoires qu’elle imaginait, c’est une vraie révolution. Le soutien et la compréhension en retour, une vraie surprise réconfortante.
Ainsi est né ce texte court (122 pages petit format) dans lequel chronologiquement, elle évoque les différentes étapes et émotions traversées pendant des années : prise de conscience de sa différence, incompréhension face aux impératifs dictés par la société, son absence de désir sexuel qui n’exclut pas son attirance pour les femmes.
Si elle n’a jamais eu à subir de moqueries ou violences, elle évoque la succession de moults situations humiliantes, et ceci dès l’adolescence lorsque par exemple, contrairement à ses ami.e.s qui ne cessaient de lui souligner, elle n’éprouvait aucune attirance pour des camarades de classe.
Elle évoque aussi le bouleversement que la prise de conscience de son attirance romantique pour les femmes fut pour elle.
Elle dépeint les changements qui vont s’opérer en elle, en particulier dans l’évolution de son expression de genre, rejetant les stéréotypes de la féminité.
Au-delà de cet « outing-confession », la question de la norme, de la honte de la différence ressentie, l’étape de l’affirmation de son identité, les réactions - dans son cas très empathiques - de son entourage sont évoquées.
On appréciera les parallèles tendus entre la littérature fantastique et son expérience de vie, rapprochements singuliers et pluriels.
On a aussi beaucoup aimé les illustrations de Stéphane Perger.
Précipitez-vous sur ce grand récit intime et sensible.
S..
Lien vers l’article de son blog à l’origine de cet essai :
Vous avez cherché vivre sans étiquette - Mélanie Fazi
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