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Les livres lus pendant l’enfance résonnent souvent dans nos vies d’adultes. Les albums jeunesse, par leur fonction et leur format, donnent à réfléchir au travers d’un texte court, initient le dialogue entre parents et enfants, enseignants et enfants.
Nous vous recommandons Jérôme par cœur, petit bijou du genre.

Raphaël aime Jérôme. Il le dit aussi simplement.  Il l’aime parce qu’il lui tient la main, qu’il l’accompagne au musée, qu’il partage ses goûters, qu’ils rient ensemble en cascade. Il l’aime parce qu’il ne se cache pas pour pleurer les yeux dans ses lacets, parce que dans son sourire, il se sent rassuré.
Dans un premier temps, la maman de Raphaël trouve Jérôme poli, son papa aussi même s’il trouve étrange que ce petit garçon n’aime pas jouer au foot. Mais lorsque Raphaël raconte avec candeur et poésie qu’il a fait un rêve qui sentait bon son ami, ses parents voient d’un très mauvais œil cette amitié entre garçons. Le prénom Jérôme devient interdit à la maison, comme une grossièreté honteuse à bannir, suscitant l’incompréhension de Raphaël. Il chasse sa tristesse en pensant à son ami, par cœur.

Voilà une jolie parenthèse poétique. Oralisez les mots, vous serez bercés par le charme des sonorités et séduits par la candeur du propos. Votre regard s’émerveillera de la tendresse des illustrations.
Cet album permet d’aborder avec l’enfant la naissance des sentiments, la magie de ces relations qui font fi du sexe assigné. Genre, sexe, homosexualité…d’aucuns pourraient brandir la crainte d’un prosélytisme LGBT+ auprès des très jeunes enfants. Nous avons eu malheureusement à faire avec ce genre de réflexion.
Cependant, si « promotion » il y a , c’est de l’amour, de l’amitié, de la tolérance, de l’ouverture. Un manifeste contre les stéréotypes et les discours clivants qui jugent les relations tendres entre garçons.
Quel parent n’a pas un jour demandé le nom de l’amoureux ou l’amoureuse de son enfant, en genrant systématiquement dans un sens hétérosexuel la petite bouille qui lui fait battre le cœur ?
Observez les cours de récréation… si les tout petits se tiennent par la main, il est rare d’assister à cet élan affectif entre garçons plus âgés… Et pourtant.
Comme souvent dans les albums jeunesse, il y a plusieurs niveaux de lecture. C’est pourquoi nous engageons les plus grands à s’émerveiller aussi, seuls ou en compagnie de leurs enfants. On appréciera ainsi les jeux de mots subtils - « c’est moi qu’il choisit pour être bien en rang, ça ne me dérange pas » -, la façon tout aussi subtile dont est abordée l’injonction de virilité (voir le tableau de Géricault et le discours du père sur la pratique du foot).
On pourrait regretter la concision du propos, le fait aussi que l’histoire est centrée sur le lien entre les deux petits garçons : on ne sait rien de la perception des autres enfants, du corps enseignant.
Mais c’est la loi du genre dans les albums. Avec le très jeune enfant, difficile d’aborder plusieurs notions.

Vous l’aurez compris, nous avons été séduits par l’intelligence de cette lecture qui a reçu le label Isidor (il met en valeur les livres jeunesse abordant l’altersexualité en autres choses).
Vous pouvez compléter la lecture en regardant ce court métrage animé ci-dessous, tout aussi poétique avec un brin d’humour, sur le coming out.
S..

#BD

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