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1971, dans un petit village suisse. Milieu ouvrier, paysan. Les femmes ne sont pas à la fête. Alors qu'ailleurs, dans certaines grandes villes du monde, le mouvement de contestation pour les droits civiques, contre la guerre du Vietnam et pour l'émancipation des femmes (dans le sillage de mai 68) constitue une puissante vague, les campagnes suisses restent figées dans l'ancien monde. Un monde qui néanmoins se fissure.

Une jeune mère au foyer, maman de deux enfants, mariée à un chef d'atelier sympathique, se sent à l'étroit dans ce rôle de femme modèle. Elle voudrait bien travailler, à mi-temps, pour échapper à la routine domestique. Mais dans cette Suisse du début de l'année 1971, les femmes n'ont pas leur mot à dire. Pour travailler, elles doivent obtenir l'aval de leur mari. Et pour couronner le tout, elles ne disposent toujours pas du droit de vote à l'échelle fédérale. 
Sa rencontre avec quelques militantes féministes dans une grande ville à proximité, va changer la donne. Après avoir lu les quelques brochures qui lui ont été données, Nora prend le chemin de l'émancipation. Avec une autre femme, bien plus âgée, elle décide d'organiser une réunion d'information sur le droit de vote des femmes. Un référendum pour lequel seuls les hommes pourront voter, doit déterminer si oui ou non, la Suisse accorde le suffrage féminin. Le petit noyau de femmes engagées qui se constitue autour de Nora se rend même à Zurich, pour participer à une manifestation féministe, et également suivre un atelier de femmes durant lequel il est question de plaisir féminin et également d'anatomie sexuelle. Une vraie révolution pour ces provinciales !
Nora déclenche une véritable tempête dans son couple et dans le village. Les femmes, globalement écrasées jusque-là, s'éveillent à la conscience d'une lutte nécessaire. Les solidarités se nouent, la contestation enfle, jusqu'à l'organisation d'une grève des femmes particulièrement réjouissante.
Le film dresse le portrait de multiples femmes, jeunes en révolte, plus âgées amères d'avoir subi la loi masculine, jusqu'à la cheffe d'entreprise conservatrice qui lutte farouchement contre le droit de vote féminin. 
On s'émerveille de cet élan, du courage de ces femmes qui subissent la morale dominante, la loi, le conservatisme, les insultes, les pressions, les coups, parfois. Et même l'emprisonnement !
Ce film montre comment Nora doit éduquer les hommes autour d'elle (son mari, ses enfants, le grand père à la maison), pour gagner des parts de liberté. 
On se demande pourquoi, cinquante ans après ces divers mouvements des années 1970, on doit encore déplorer des féminicides, des inégalités de salaire, des inégalité dans la "charge mentale" entre femmes et hommes, inégalités dans l'accès aux postes à responsabilité, à la parole publique, etc. 
Alors que depuis des années l'Etat affiche une politique volontariste en la matière (la question des moyens et de la formation reste souvent problématique), on peut avoir le sentiment que, malgré cela, la société régresse. Les expressions machistes ne disparaissent pas, elles sont légion dans les médias. Les chiffres caractérisant les inégalités ou les violences sexistes et sexuelles restent alarmants.
Qu'est-ce qui cloche ?
Deux choses peut-être : les politiques menées ne remettent pas en question le patriarcat en tant que structure de nos sociétés, c'est à dire qu'elles ne s'attaquent pas à la cause. Enfin, Les Conquérantes permet de rappeler que les évolutions sociales, résultent bien plus de mouvements sociaux profonds, que de décisions prises dans les cimes étatiques. Aujourd'hui, au-delà des associations qui offrent du soutien, ce qui manque, fondamentalement, c'est un mouvement collectif profond, qui permettrait de modifier les représentations, et donc les inégalités de fait. 

G

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