Dans les tournesols, un film de l'Australien Gabriel Carrubba
/image%2F6693927%2F20250718%2Fob_ad3306_dans-les-tournesols-edition-limitee-dv.jpg)
Il y a, dans Dans les tournesols (Sunflower), premier long métrage de Gabriel Carrubba, quelque chose d’un journal intime qu’on aurait filmé à la lumière d’un souvenir : celui d’une jeunesse queer vécue dans les marges d’un monde trop étroit.
Dans les tournesols ressemble à une confidence filmée dans le contre-jour, une chambre d’adolescent ouverte sur le vertige.
Leo a dix-sept ans. Il glisse sur le bitume, planche au pied, sourire suspendu. Il aime Monique, peut-être. Mais c’est vers Boof que ses yeux s’égarent, ce garçon large d’épaules et de silences, coupe mulet et regards qui fuient. Entre eux, un fil tendu : camaraderie rugueuse, joutes de corps, caresses qui débordent la lutte. Et puis un baiser.
L’équilibre cède. Boof a peur, trahit.
Les couloirs deviennent murs.
Et dans la cour du lycée, Leo est battu. Brutalement.
Leo s’efface, contourne son propre reflet. Il erre sur les forums, dans les images floues d’une identité qu’on ne lui a jamais permis d’habiter.
Quelque chose s’apaise lorsqu’il rencontre Tom, ami de son frère. Tom est un garçon plus âgé, presque un repère... Un lien se crée.
Dans les tournesols ne dit pas simplement l’amour, mais le désir. Et ce désir, le film l’effleure par fragments : gestes inaboutis, tentatives incomplètes. Une fellation maladroite, interrompue par un tableau de tournesols. Un cri : « Je ne suis pas gay, putain ! », comme un dernier barrage contre soi.
Et cette scène à l’aube. Leo, seul. Face à une grande roue qui tourne lentement. Sur son visage, les couleurs d’un drapeau arc-en-ciel. Il ne sourit pas. Il endure.
Alors oui, les personnages manquent parfois de réalisme : Leo et ses abdos de trentenaire, les lycéens trop beaux pour être vrais, les dialogues aux silences chorégraphiés… Et pourtant… certaines scènes brûlent d’une vérité que rien n’atténue. La violence des gestes refoulés. La tendresse impossible. Le poids du non-dit. C’est dans ces moments que Dans les Tournesols trouve sa force.
Le film est traversé par la lumière, comme un tournesol cherche le soleil, même quand il se couche. Certains y verront un esthétisme naïf, ou l’absence d’un cri politique (pas de dénonciation claire de l’homophobie). Mais Carrubba choisit l’intime. L’émotion.
Et le film se termine. Ou plutôt, il se dépose. Leo rentre chez lui. Le père de Leo, présenté dès le début comme un pur produit du machisme italien finit par jouer un rôle décisif dans l’apaisement de son fils. Dans une scène sobre, sans grandes effusions mais d’une justesse bouleversante, il vient rassurer Leo, le regarde vraiment. Ce simple geste, silencieux et tendre, vient renverser les attentes : le père n’est plus l’obstacle, mais le début d’un ancrage. Et dans le regard ému de Leo, on lit enfin quelque chose qui ressemble à un possible.
S..
/image%2F6693927%2F20250916%2Fob_68edd0_logo.png)