Le Rose et le bleu. La fabrique du féminin et du masculin
Scarlett Beauvalet-Boutouyrie. Emmanuelle Berthiaud, Le Rose et le bleu. La fabrique du féminin et du masculin, Belin, 2015.
Comment se fabriquent les stéréotypes ? Ce document passionnant questionne les attributs pour comprendre comment ceux-ci se sont construits.
Sans nier les différences biologiques, mais en balayant les idées reçues, les deux autrices, dans une approche historique et sociétale, démontrent comment la société a fabriqué les stéréotypes du sexe social et comment ces définitions de la féminité et de la masculinité ont contribué à introduire une hiérarchie et justifier la domination masculine.
Les différents chapitres explorent les domaines qui ont contribué à fabriquer les identités sexuées : nature biologique, inégalités juridiques, éducation familiale et scolaire, apparence et canons de beauté, rôles sociaux et enjeux de pouvoirs.
La médecine grecque, en figeant la nature des sexes dans la théorie des humeurs, a initié les considérations sur les capacités de ceux-ci ou comment l’explication galénique de la différence des corps, en passant par la définition platonicienne et aristotélicienne du féminin ont contribué à créer le mythe du sexe « faible ». Les femmes sont donc dépendantes (d’un père puis d’un mari), leurs droits sont limités, jusque dans les représentations (Il y a de l’indécence à représenter une femme dans l’espace public, cela renvoie aux prostituées).
Cette notion de supposée incomplétude congénitale de la femme a perduré jusqu’au 19e siècle, la diffusion du christianisme confortant cette vision en y ajoutant des éléments religieux. A contrario, l’homme est un être complet et parfait, par nature, perfection intimement liée à sa virilité. Cette survalorisation sexuelle masculine est aussi source d’angoisse, l’infertilité masculine par exemple est attribuée à une défaillance de cette virilité ; la stérilité étant réservée aux femmes.
Rose pour les filles, bleu pour les garçons. Si ce lieu commun semble aller de soi, il n'en a pas toujours été ainsi. L’histoire nous montre que ces codes ont été longtemps
inversés. Ainsi garçons et filles portaient la robe jusqu'à l'âge de 6 ans, le bleu étant réservé aux filles, le rose aux garçons. Des bijoux réservés aux filles ? La renonciation masculine à la parure date pourtant du 19e..
Même si des changements se sont opérés dans la société française depuis la seconde moitié du 20e siècle, nombre de stéréotypes perdurent. Il est nécessaire de diversifier les représentations, face au retour depuis quelques années d’une masculinité offensive. De même, la remise en cause de la différenciation binaire pour une plus grande fluidité des genres concourra à reconnaitre des féminités et des masculinités plurielles. La reconnaissance du caractère acquis et non inné du genre, du sexe ou de l’orientation romantique et sexuelle contribuera, quant à elle, à ouvrir des libertés nouvelles et éviter des renoncements à être pour se conformer à une identité sociale.
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