Edmund White, La Tendresse sur la peau
États-Unis, décennie 60.
« Le jeune américain » du second roman de cette trilogie a quitté l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte.
Le narrateur, jeune provincial naïf et inexpérimenté, fuyant le conformisme de sa famille, découvre le NYC de ces années-là où la communauté Gay jouit d’une relative liberté. Déchiré entre la honte d’être homosexuel, « sa maladie » comme il la nomme, et l’assouvissement de ses désirs, profondément seul, nous le suivons entre découvertes sensuelles et déconvenues glauques.
Grisé par ces « amours faciles » et le sentiment d’enfreindre les valeurs familiales, il explore, de rencontre en rencontre féminines et masculines, sa sexualité dans la quête d’une identité : « suceur de bite » dans les toilettes de l’université, étreintes parfois violentes d’un soir, prostitution… avec, toujours, le désir des peaux dont il cherche désespérément la tendresse.
L'enchaînement des partenaires nourrit le profond dégoût qu’il a pour lui-même. Peinant à accepter son homosexualité, il cherche à se « guérir » de celle-ci en poursuivant une psychanalyse débutée à l’adolescence à la découverte de ses attirances « contre nature » et en entretenant une amitié amoureuse avec Maria, son amie du Collège, lesbienne aimant les corps masculins. Dans les bras d’hommes, il rêve d’une vie plus conformiste, hétérosexuelle et parentale.
Dix décennies d’errances, de doutes, de solitude…jusqu’aux prémices d’une affirmation de vie, dans un bar de Greenwich Village, le Stonewall Inn..
White admire Rimbaud et lui envie sa jeunesse. Le parallèle est aisé entre le personnage de son roman, sorte de double autobiographique, et le destin du jeune Rimbaud. Tous deux quittent le milieu provincial pour la frénésie de la « grande ville ». Tous deux cherchent un schéma « conforme » dans le couple avec enfants. Cependant, chez White, c’est plus le regard accusateur et critique du héros sur lui-même que la société qui porte le jugement.
Deuxième roman d’une trilogie aux allures d’éducation sentimentale, on retrouve la justesse du propos et l’écriture ciselée de l’auteur. La galerie des personnages et l’observation fine de la communauté gay newyorkaise des années 60 offrent un éventail des aspirations de cette dernière et dessinent différentes façons de vivre son homosexualité.
Cette finesse d’observation se retrouve dans le réalisme et la sensualité et la liberté de la description des corps : des corps qui se prennent, qui s’apprivoisent, se découvrent, s’observent et se rejettent aussi.
Des corps qui fascinent surtout, avec la recherche de stéréotypes physiques (musculatures, longueur du pénis, jeunesse, largeur de la bouche…)
Un roman magnifique, peut-être le plus célèbre de l’auteur, et indéniablement le meilleur de la trilogie.
S..
(on peut entendre et voir Edmund White dans le documentaire "L’Étincelle, une histoire des luttes LGBT")