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A celles et ceux qui s’interrogent sur le sens du mot « queer », nous conseillons de regarder ce film chanté et dansé envoutant. "Leave it on the floor" est une fiction qui se situe dans le milieu du voguing, un style de danse autant qu’une identité, une manière d’être et une communauté, qui émerge dans les années 1970 dans les milieux gays latino et afro-américains de New York. Dans les décennies qui suivent, le voguing essaimera un peu partout dans le monde.
Le film se situe à Los Angeles autour d’une « House » qui accueille de jeunes LGBT rejetés par leurs familles, et qui s’adonnent pleinement à la pratique du voguing sur des scènes transformées pour l’occasion en espace de confrontation et d’échange dansés entre Houses amies et concurrentes.
Le film a sa trame : Brad, un jeune black gay doit quitter le domicile familial, rejeté par sa mère. Le hasard le met sur les pas d’un autre jeune qui lui appartient à la House « Éminence » (chaque House a ses références vestimentaires et culturelles). Le film imagine les relations entre les différents personnages de cette House et ce jeune qui se retrouve sans toit. Pourra-t-il intégrer la maison ? Son arrivée ne risque-t-elle pas de remettre en question l'équilibre du lieu, déjà bien fragile ?

On aimera ou pas les amourettes qui se font et se défont dans ce milieu touchant et coloré, soudé par une forte particularité : les membres de cette House, des garçons, se genrent « toutes » au féminin, et se soumettent toutes à l’autorité (autoritarisme parfois) de la « mamma » (Queef latina), un garçon également.
Comme on le voit, dans ce milieu queer, la norme de la binarité subit quelques accrocs. Et si chacune se genre au féminin, les expressions de genre restent très diverses, la féminisation des apparences n’est pas la norme, loin s’en faut !
Entre celle qui attend un enfant et que ses amies chambrent puisqu’elle est un garçon, entre la mamma et sa relation difficile avec son homme en prison, entre les habitantes du lieu, les tiraillements sont nombreux, mais le voguing constitue un vrai ciment, un objectif, une raison de vivre. Chacune se mobilise pour participer au « bal » pendant lequel il faut absolument gagner un « dix », c'est-à-dire remporter un trophée. Plusieurs catégories se disputent : étudiant, hétéro en attaché case, hommes musclés, étudiante, etc. Se mouvoir « on the floor », danser, faire parler son corps en singeant les défilés de modes et les poses des modèles dans les magasines, garçons principalement mais filles également, toustes se retrouvent dans ce furieux rejet de la binarité, dans cette quête d’une expression plus libre, faite d’hybridation, de citations et de mélanges, le spectaculaire flirtant souvent avec la plus grande simplicité.
Si le film peut parfois sembler « léger » au travers des amourettes qu’il met en scène, il n’en évoque pas moins des questions fondamentales sur les identités de genre, sur nos sociétés qui accueillent avec tant de difficulté celles et ceux qui ne se retrouvent pas dans les normes. Plusieurs scènes bouleversent le spectateur, et notamment celles pendant laquelle se tient la cérémonie funèbre d’une membre de la House qui vient de mourir tragiquement, celle qui s’identifie à une femme enceinte. Les bancs de l’église accueillent deux clans que tout oppose : d’un côté la famille et les amis traditionnalistes qui enterrent leur « fils », et de l’autre la House et sa communauté haute en couleur qui viennent pleurer l’amie. La question de l’identité de genre clive les vivants qui s’invectivent pendant un long moment…
Il faut absolument voir ce film !

G.

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