Un questionnaire en ligne pour mieux connaître l'homosexualité masculine et l'homophobie dans les Hauts-de-France
Doctorant en géographie à l'Université du Littoral Côte d'Opale, Théophile Plouvier propose un questionnaire en ligne pour mieux connaître l'homosexualité masculine et l'homophobie dans les Hauts-de-France. Nous vous proposons ci-dessous un lien vers l'enquête en ligne et également une interview de Théophile Plouvier sur les enjeux de cette enquête.
Enquête Homosexualité Masculine et Homophobie dans les Hauts-de-France
Bonjour et bienvenue dans l'enquête Homosexualité Masculine et Homophobie dans les Hauts-de-France, Ce questionnaire a pour but de recueillir votre ressenti et vos expériences de vie en tant ...
Théophile Plouvier, vous êtes à l'origine d'une enquête dématérialisée sur un thème important : l'homophobie et la biphobie masculines. Comment avez-vous élaboré vos questions, quels objectifs ?
Je m’intéresse à l’homophobie masculine de manière très générale, c’est-à-dire celle qui peut toucher les hommes qui ont des attirances pour les autres hommes. En ce sens, mon étude concerne aussi bien les hommes qui se définissent comme homosexuels, bisexuels ou même hétérosexuels à partir du moment où ils manifestent une part, même minime, d’attirances homosexuelles. C’était important pour moi de décloisonner cette violence pour voir comment elle impacte la vie d’individus variés et pas seulement les hommes exclusivement homosexuels.
En tant que géographe, je suis parti d’un constat assez simple : on ne sait presque rien de l’homophobie. Les données policières admettent elles-mêmes que seules 5 à 10% des agressions LGBT-phobes donnent lieu à un dépôt de plainte. Pire encore, un sondage de la DILCRAH de 2019 montre que près des 2/3 des individus LGBT évitent de montrer des signes d’affection (par exemple s’embrasser, se tenir la main) lorsqu’ils sont avec leur partenaire de même sexe dans les lieux publics. Dans un contexte où l’homophobie est très mal recensée et où la majorité des potentielles victimes usent de stratégies pour s’en protéger en amont, il me semblait évident de devoir étudier le problème sous un angle différent. C’est pour cela que j’ai décidé d’aborder la question de l’homophobie au travers de la question du risque, c’est-à-dire : comment la crainte de l’homophobie peut impacter le quotidien des hommes ayant des attirances homosexuelles, en particulier pour tout ce qui concerne la fréquentation du territoire (le fait, par exemple de se rendre ou non dans certains lieux selon si on les perçoit comme plus ou moins dangereux) mais aussi les aspects comportementaux (le fait de contrôler ses faits et gestes, son apparence, afin de ne pas « paraitre » homosexuel, etc.) ?
Sur quels fondements théoriques reposent votre enquête ? Quels types de questions/réponses avez vous adopté, ouvertes, fermées, multiples ?...
L’enquête repose principalement sur les études du genre, notamment du fait que l’homophobie apparait comme une violence genrée, c’est-à-dire qu’elle ne s’exprime pas de la même façon envers les hommes et les femmes. Pour les hommes, la quasi-totalité des insultes homophobes ont par exemple comme but de signifier que la personne n’est pas un « vrai homme » au regard des stéréotypes masculins. Il a notamment fallu adapter beaucoup de travaux scientifiques provenant des Etats-Unis et du Royaume-Uni (qui sont les principaux producteurs sur ces thématiques) en particulier pour que le questionnaire prenne en compte les spécificités de la société française et du territoire des Hauts-de-France. Je m’inspire également de travaux en psychologie sociale qui s’intéressent à la perception et aux représentations de la violence, en particulier comment les médias et l’environnement social des individus peuvent influencer la perception de l’homophobie.
Afin de « dégrossir » le sujet, j’ai choisi de travailler dans un premier temps sur une majorité de questions fermées, le but étant de dégager des grandes tendances dans le vécu des individus, en fonction par exemple du lieu de vie (selon si l’on habite dans des grandes villes, dans des petits villages ou en banlieues par exemple) mais aussi des contextes familiaux et professionnels.
Il faut savoir que ce questionnaire n’est pas une finalité en soi. Par la suite, j’ai comme objectif de poursuivre avec des entretiens personnels plus approfondis qui permettront justement d’explorer plus précisément certains sujets qui auront émergés (un appel à entretien est d’ailleurs communiqué sur la dernière page du questionnaire). Cela permettra notamment de pallier l’aspect parfois un peu trop « catégorique » des questions fermées.
Répondre à des questions n'est pas simple. Par exemple : Vous demandez si " Personnellement, les stéréotypes sur les homosexuels ne m’affectent pas". Ils peuvent m'affecter ou non de diverses manières, ils peuvent par exemple m'affecter car ils me révoltent ou parce qu'ils modifient mon comportement (placard, dissimulation ou au contraire attitude provocatrice). Le type de réponse proposé ne prend pas du tout en compte ces différents mécanismes. N'est-ce pas une vraie difficulté ?
A ce stade, je ne peux malheureusement pas trop détailler l’intérêt et l’articulation des questions car cela pourrait influencer les répondants dans leur perception des questions. Ce que je peux dire c’est que le questionnaire a été pensé pour s’articuler autour de grandes « catégories » de questions, par exemple afin de voir les liens entre les expériences des individus (s’ils ont ou non été victimes d’homophobie, à quelle fréquence, de quelles manières, etc.) et leur façon de se protéger (ou non) d’éventuelles agressions au quotidien. Il est évident que certaines questions auraient pu être davantage développées, en revanche, il fallait trouver un compromis entre la durée du questionnaire (un questionnaire trop long a tendance à dissuader les répondants) et la précision des informations recueillies.
Une étude comme la votre a-t-elle vocation à proposer des "solutions" pour lutter contre les préjugés et les violences sur les personnes ?
Indirectement, l’étude a en effet vocation à aider à trouver des solutions à ces violences. Mais elle a je pense surtout un aspect informatif. On entend souvent dans certains discours que l’homophobie n’est pas si présente que cela, que les agressions violentes déclarées sont au final assez rares, ce qui d’une certaine manière est plutôt vrai. En revanche, on ne peut pas ignorer que la manière dont les hommes homo/bisexuels se protègent des potentielles agressions y est pour beaucoup. Au travers de cette étude, je cherche surtout à mettre en évidence ce que représente le poids de l’homophobie, que l’impact de l’homophobie va bien au-delà des insultes ou agressions physiques et qu’il s’agit aussi et principalement de très nombreux ajustements, compromis qui ont lieu au quotidien. Cela peut se ressentir dans de nombreuses situations banales : le fait de ne pas raconter ce qu’on a fait le weekend dernier à ses collègues de travail par peur de devoir parler de sa vie de couple, ou encore d’angoisser pour un simple rendez-vous médical en raison de sa sexualité.
Combien avez-vous eu de participants jusque-là ? Est-ce beaucoup ou peu par rapport à vos attendus ? Avez-vous déjà des grandes tendances qui se dégagent ?
A l’heure actuelle, un peu plus de 500 personnes ont répondu au questionnaire dans toute la région Hauts-de-France. Ça constitue déjà un très bon échantillon, néanmoins il y a certaines disparités dans le profil des répondants. Certains territoires de la région comme la Picardie, ou certaines catégories d’âge, notamment des hommes plus âgés, sont encore assez peu représentés. C’est pourquoi le travail de diffusion du questionnaire est vraiment primordial pour arriver à toucher tous les profils de personnes sur tout le territoire.
Il est encore un peu tôt pour observer des tendances, en revanche, je commence à remarquer quelques particularités dans certains milieux, comme par exemple une proportion d’hommes se définissant comme bisexuels assez importante chez les étudiants. C’est d’autant plus surprenant que ces personnes sont habituellement très peu représentées dans les grandes enquêtes nationales sur les populations LGBT. Il faudra attendre les résultats finaux pour voir si cette tendance se confirme ou non.
Enquête Homosexualité Masculine et Homophobie dans les Hauts-de-France
Bonjour et bienvenue dans l'enquête Homosexualité Masculine et Homophobie dans les Hauts-de-France, Ce questionnaire a pour but de recueillir votre ressenti et vos expériences de vie en tant ...