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Lady prudence, Mia de Guadalajara, Xtravaganza, Lady Bunny, Willy Ninja… Elles s’autoproclament Monstres, elles sont pourtant des déesses, des Queens, des phénix qui semblent renaitre chaque soir dans les strass et les paillettes.
Ce roman recouvre trois décennies de la culture drag Queen à NYC, depuis les années Sida jusqu’à nos jours. Un récit en miroir à travers deux personnages, James et Victor, qui se racontent l’un à l’autre.
James est un sexagénaire, ex-drag Queen star des années quatre-vingts.  Victor est un jeune père hétéro, qui plaque femme et enfant pour vivre son rêve de devenir Drag. Le premier va être le mentor du second.
Ils se rencontrent au début du roman.
Dans la première partie, James remonte le cours de sa vie et nous entraine dans l’époustouflante cavalcade des nuits underground new-yorkaises : clubs mythiques et bars miteux, ballrooms, maisons, voguing… On croise Keith Haring, RuPaul, Madonna, Basquiat, Marsha P. Johnson, Nan Golding, Nelson Sullivan…le Sida est là aussi, il assombrie les lumières des projecteurs. Sous les fards, on cherche les traces de lésions cutanées caractéristiques du Kaposi tout comme on cache les blessures et les rejets sous un nom qu’on se choisit, un nom flamboyant qui élève au rang de star les parias d’une société étriquée.
Trente ans plus tard, lady Prudence est redevenue James. Le Sida est toujours présent mais mieux contenu dans une camisole chimique. Les drags sont devenues mainstream, RuPaul a son émission, Netflix retransmet des reality shows. James devient le mentor de Victor qui intègre l’émission de RuPaul. La société a-t-elle changé ? Peut-être pas tant que cela, même si elle offre une visibilité au grand jour à ces créatures initialement de la nuit.

Coup de cœur pour ce roman tendre et poétique aux personnages si attachants et si profondément humains. La plume a l’élégance des monstres : vive, colorée, enjouée, créative, vivante ! Et de vie il est question à chaque page, une rage de la mordre à pleines dents malgré les souffrances, les deuils. De bienveillance aussi, celle des mères des différentes maisons des balls, celle de James pour Victor.
Il est aussi question de corps, d’identité, de celle qu’on se choisit.   Si nos deux héros sont purement fictionnels, tous les personnages secondaires et événements ont existé ou existent.  Ce roman a presque valeur de documentaire, toute proportion gardée. L’auteur ne sombre jamais dans le sensationnisme. Il pose, au contraire, un regard plein de tendresse et délicatesse sur un monde passé de la marge à la reconnaissance des media.
Pour compléter la lecture, je conseille le documentaire Paris is burning, qui dépeint pendant sept années les balls  organisés par la communauté LGBT afro-américaine et hispanique.

S..

Jolis jolis monstres, Julien Dufresne-Lamy, Belfond, 2019.

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