"Uncle Frank" (Mon oncle Frank) : une tragédie familiale dans les années 60-70
Caroline du Sud, été 1969.
Elisabeth, une adolescente un brin naïve, se sent différente au sein de sa famille. Le seul qui semble prêter attention à celle-ci est son oncle Frank, un professeur de NYC, avec qui elle développe une relation complice lors d’une rare visite de ce dernier à l’occasion de l’anniversaire du patriarche de la famille. Frank, lui aussi, est à part. Cultivé et sensible, il subit les remarques acerbes du patriarche.
A la fin du repas, alors que tout semble figé dans cette famille, destins et rôles, Frank conseille à Elisabeth, « Betty », de choisir qui elle veut être et de prendre son destin en main.
Quatre ans plus tard, on retrouve Betty à NYC où elle entre à l’université où enseigne son oncle. Par un concours de circonstances, elle découvre lors d’une visite impromptue, que ce dernier est homosexuel et vit avec Walid depuis plusieurs années. Seule la sœur de Frank est dans la confidence de cette relation, puisque celui-ci s’est construit une histoire de vie toute autre pour sauver les apparences et éviter une condamnation sociale et religieuse.
Lors du décès soudain de son père, Frank est contraint de rentrer en Caroline du Sud avec Betty pour assister aux funérailles. Ils font le trajet en voiture, suivi par Walid qui s’inquiète pour son compagnon. Lors de ce road trip, le passé resurgit et l’on apprend que le père de Frank connaissait l’homosexualité de son fils après l’avoir surpris, jeune, dans les bras d’un petit ami. Que ce fait constituait pour lui une offense grave à Dieu et un acte anormal. On apprend également les raisons de la culpabilité qui hante Frank (le suicide de ce petit ami) .
A l’ouverture du testament, le patriarche distille une dernière fois son venin en outant son fils dans une lettre lue par le notaire.
Le dernier quart du film repose sur le cheminement de Frank pour faire la paix avec son passé et oser enfin s’affirmer.
Si le sujet n’est pas très original, ce film séduit par son atmosphère surannée et l’interprétation tout en finesse et retenue du personnage de Frank. De même, bien plus que le coming out, c’est la relation conflictuelle entre un père et son fils sous fond d’homophobie qui est magistralement mise en scène. A la violence physique, le réalisateur a fait le choix de la violence verbale, tout aussi destructrice. Les propos tenus par le père de Frank, litanies récurrentes des homophobes, nous bouleversent autant qu’ils nous révoltent.
Judicieusement distillés au fil de l’histoire, des détails nous donnent aussi une photographie d’un état du sud des USA à la fin des années 60 où le puritanisme ambiant gangrène la société (l’Amérique a-t-elle changé depuis ?).
Tout le long de ce plaidoyer pour la tolérance, on assiste également à l’éveil de Betty : ce film est aussi féministe, les thèmes tels que le libre arbitre, l’émancipation des femmes, le droit à la contraception sont abordés.
Seul bémol peut-être, une fin un peu trop « idéalisée » donc peu crédible, même si des touches d’un humour caustique assez jubilatoire évitent de sombrer dans le mélo larmoyant guimauve.
Mais des larmes vous en verserez certainement, touchés par la fragilité du personnage de Frank.
S..