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Voilà un film plein d’émotions sur une période de l’histoire des femmes trop oubliée et qui, hélas garde certains caractères d’actualité. Le début du film prévient le spectateur : « 1974, un an avant la loi Veil ». Annie est une ouvrière, en couple, deux enfants. Comme nombre de femmes à l’époque (seulement 10 % d’entre elles prennent alors la pilule), Annie tombe enceinte et souhaite avorter. Elle se tourne alors vers un groupe local du MLAC (Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, créé en 1973), animé par des militantes bienveillantes, dévouées et en colère. Avorter reste interdit en France et nombre de femmes recourent à des techniques dangereuses, avec parfois le curetage sans anesthésie et donc à vif à l’hôpital ou même le décès au bout du chemin.
Le film – une fiction poignante – dresse le portrait de ces femmes qui trouvent dans le Mlac un point d’appui, de soutien, une communauté pour affronter l’épreuve. Grâce à une méthode importée des États-Unis (l’aspiration), les quelques médecins engagés au Mlac ou sympathisants et les militantes organisent des avortements avec tout le soutien et l’accompagnement nécessaires. Soutien pour affronter la peur, la culpabilité, le regard des hommes, ou plutôt leur cécité, et parfois leurs violences.
Annie l’ouvrière ose franchir les portes du Mlac et découvre la solidarité des femmes, l’entraide, l’engagement, le féminisme. Au fil des avortements et des discussions au sein de son couple ou avec ses collègues de travail, Annie grandit, s’affranchit de sa résignation, de son manque de confiance en soi, se découvre des compétences dans l’accompagnement des autres femmes, parvient dorénavant à s’affirmer, à tenir tête.
L’avortement en 1974 reste problématique, et le MLAC veut faire une démonstration politique, veut contraindre le gouvernement d’alors à faire voter une loi légalisant ce que des milliers de femmes pratiquent dorénavant sans se cacher, sous le regard inquisiteur des policiers des Renseignements Généraux. On se souvient du manifeste des 343 de 1971, 343 femmes affirmant avoir avorté.
L’avortement clandestin, c’est plusieurs centaines ou des milliers de femmes qui en meurent chaque année. C’est l’obligation, après un certain délai, de se rendre à l’étranger, avec la difficulté financière qu’une telle contrainte entraîne. Le MLAC tente de répondre à tout ça.
1975, la loi est votée. Enfin, l’avortement est légalisé ! Le MLAC en a-t-il pour autant terminé ?
Le film évoque nombre de questions très politiques, sur le « pouvoir » des médecins, sur le sexisme, sur la réappropriation par l’État de la question de l’avortement avec la loi Veil, alors que les militant.e.s du MLAC ont su à l’époque développer tant de compétences pour avorter dans des conditions humaines et très sûres. A l’hôpital, comment les femmes seront-elles prises en charge par des médecins auxquels la loi permet de faire valoir une « clause de conscience » qui les autorise à refuser de pratiquer des avortements !
Ce film nous interroge sur ce qu’est un droit et sa traduction dans la réalité. Sur les principes et les faits. Aujourd’hui en France, avorter reste compliqué. Certains centres n’ont pas mis en place l’allongement de 2 semaines récemment voté. Manque de moyens, manque de médecins, discours inadaptés…
La colère reste d’actualité !

G

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