ANIMALS, un drame insoutenable de Nabil Ben Yadir
La sortie de ce film a fait grand bruit, tant un parfum de scandale enveloppe ce dernier. L’ultra-violence des scènes a entrainé une interdiction aux moins de 16 ans.
Belgique 2012. Brahim, jeune homme solaire, semble attendre quelqu’un, alors que la maison qui l’abrite résonne de Youyous et de musique orientale : famille et amis sont réunis pour l’anniversaire de sa mère. Il ne cesse de consulter frénétiquement son téléphone, échangeant des messages avec celui qu’il attend, s’inquiétant de ne pas le voir arriver. Brahim est nerveux : il s’apprête à faire son coming out. Sa famille musulmane est aimante mais violemment opposée à l’homosexualité. Un de ses frères est dans la confidence et critique vivement le désir de Brahim de présenter son compagnon. Critique qui se mue en violence lorsque celui-ci arrive à la réception : les poings parlent pour le chasser. Brahim quitte alors le domicile parental, abandonnant la fête pour partir à sa recherche. Naturellement il entre dans le bar gay qu’ils ont l’habitude de fréquenter. Le barman lui confirme la venue de son amoureux, blessé au visage par les coups de son frère. En sortant de ce bar, il vient en aide à une jeune femme alors que 4 jeunes déjà bien avinés tentent de faire monter celle-ci dans leur voiture. Entrainé à l’intérieur de la voiture, la vie de Brahim va couler dans l’horreur, une nuit de supplices, de torture et d’humiliations, une lente agonie : il faut « casser du PD ». La dernière partie du film se concentre sur un des tortionnaires, le plus jeune, qui dès le lendemain se rend au remariage de son père, « comme si de rien n’était » ou presque. Son corps porte les traces de la sauvagerie nocturne, et les tremblements qui le traversent nous laissent entrevoir le début d’une prise de conscience des actes commis sinon d’un remords. Son esprit lui, est déjà ailleurs…
Le film est inspiré de faits réels et dédié à la mémoire d’Ihsane Jarfi, un Belge de 32 ans disparu le 22 avril 2012 à la sortie d’un bar gay et retrouvé deux semaines plus tard, nu et frappé à mort. L’autopsie révèlera 17 fractures de côtes, des sévices sexuels, des actes de torture ayant entrainé la mort après une lente agonie de 4 à 6 heures. « Inspiré », ce terme est important car le réalisateur a pris quelques libertés avec la réalité, en particulier avec l’environnement familial d’Ihsane. Nul n’ignorait l’homosexualité de ce dernier qui vivait d’ailleurs depuis 5 ans avec Bertrand dans l’appartement qu’ils avaient acheté ensemble. Mais il est vrai qu’on ne parlait de cela dans la famille. Son père confessera d’ailleurs sa culpabilité de ne pas avoir dit en face à son fils qu’il l’aimait « malgré » son homosexualité.
Si la première partie est très touchante et réussie, en particulier grâce à la présence indéniable de l’acteur qui joue Brahim, le reste du film pose la question du traitement choisi par le réalisateur. Trente minutes difficilement supportables, mises en scène grâce au procédé de found footage, utilisé principalement dans les films d’horreur, donnant un aspect « authentique » aux images. La violence peut-elle aller si loin qu’elle provoque le rejet du film ? Marquer les esprits pour ne pas oublier est une chose, mais pousser ce réalisme au point de placer le spectateur dans un rôle de « voyeur » est sordide, et contre-productif.
Quant à la dernière partie, en s’attachant ainsi à un des bourreaux, le réalisateur cherche à trouver un peu d’humanité chez ce jeune adulte dont elle semble avoir disparue. On peine à en trouver.
On ressort KO du film, plongé.e.s dans une horreur froide et anxiogène, la nausée n’est pas loin, les images hantent les esprits de longs moments (..jours).
S..