UN INCIDENT MINEUR, par Léo Fourrier
Lui, c’est le garçon de 16 ans, émancipé par ses parents partis outre-mer, poursuivant ses études à Paris. Il est l’adolescent dont on ne connaîtra jamais le nom.
« Un verre, un shoot, un rail, du sexe », une tétralogie qui rythme sa vie dès la sortie du lycée dans les « beaux quartiers » de Paris. Homosexuel, il fréquente les saunas et le Milieu (le milieu Gay) , aligne les rencontres d’un soir, en général avec des adultes. Rencontres parfois tarifées. Cultivé au physique avantageux, il devient rapidement une figure tant de proue que de proie de ce petit monde à la sexualité débridée, adepte des paradis artificiels.
Et il y a Éric. Il forme avec Hélène un couple idéal, une image sur « papier glacé » de la bourgeoisie parisienne. Éric est élégant et charismatique, père de famille en apparence irréprochable. Hélène, son élégante épouse partage son temps entre ses trois enfants et les bonnes œuvres. Leur quotidien va basculer le jour où leur fille aînée, Iris, introduit « le garçon » dans la famille pour être le baby-sitter de ses deux jeunes sœurs. Partageant le quotidien de cette famille aisée, il en devient aussi « la coqueluche » dont on vante les qualités.
Après un jeu marivaudien qui laisse peu de place au hasard, « le garçon » va devenir l’amant d’Éric, qui pour lui ose s’affranchir des apparences, des apparences et de l’interdit d’une relation homosexuelle avec un mineur. Une garçonnière louée par Éric va devenir le lieu de rdv des deux hommes. Éric sera entraîné par son amant dans différentes expériences sexuelles.
Tout bascule lorsqu’Iris découvre la liaison dangereuse de son père. Tout aussi vénéneuse qu’une Merteuil, elle manipule son entourage, devenant les marionnettes de sa jalousie et de son mépris. Les conséquences en seront tout aussi tragiques que dans le roman de Laclos.
Vous l’aurez compris, le sujet, le ton cynique du roman, ne sont pas sans rappeler « Les liaisons dangereuses ». Le style, subtil mélange de phrases incisives et d’effets de manchettes littéraires, peut dérouter. Le regard féroce sur la société bourgeoise parisienne, où les apparences règnent en maître, tout comme celui du « Milieu » gay partouzant à grand renfort de substances psychoactives, n’échappent pas à quelques clichés parfois un peu trop utilisés (la lassitude guette…). Cependant, même si le lecteur est un peu « voyeur » de ce petit monde, jamais on ne sombre dans le scabreux. De corps, il est beaucoup question : le corps qu’Hélène refuse de voir vieillir, le corps d’Éric enfermé dans les apparences d’une vie hétérosexuelle, le corps du garçon maître ou esclave de son désir d’exister. Et l’amour dans tout cela ? Afin de ne pas dévoiler la fin du livre, nous dirons que comme dans un roman de Duras, à l’éclatement d’une valse de Chopin, l’amour pleure de ne pas s’être reconnu avant…
S..