LA CHAMBRE DE L’ARAIGNÉE, de MOHAMMED ABDELNABI
Ou le roman intime d’un jour sombre…
Hani, fils d’une actrice célèbre, est arrêté dans les rues du Caire alors qu’ils se promène avec Abdelaziz, son amoureux. Si ce dernier est vite libéré grâce à ses origines sociales et ses relations, Hani lui reste en prison en attendant son procès. Il y côtoiera l’enfer. Plusieurs mois à subir les interrogatoires « musclés ».
Grâce au « Prince », un vieux dandy homosexuel ayant pris Hani sous sa protection, son quotidien est parfois amélioré. Après un procès éprouvant, il ressort libre mais traumatisé : il perd l’usage de la parole et se réfugie dans l’écriture de ses souvenirs dans une chambre d’hôtel, avec pour compagnie, une araignée.
Il raconte ainsi la découverte de son homosexualité, puis une vie de relations homosexuelles secrètes, fugaces, parfois violentes, la peur d’être surpris ou dénoncé. Il raconte également, comment en cédant aux souhaits empressés de sa mère, il concède à se marier et à devenir père. Il décrit sa rencontre avec Abdelaziz, celui qui deviendra son grand amour. Le roman est construit sur ce dédoublement: le récit du séjour en prison et le récit du présent, le récit des relations furtives et celui de la découverte de l’autre, le récit de l’horreur et du merveilleux.
À l’origine de ce livre, une descente de police dans un bar gay flottant du Caire en 2001 où 52 hommes furent arrêtés, emprisonnés avant leur procès puis pour certains jugés pour "pratique habituelle de la débauche" ou encore "mépris de la religion" Ce roman ne relate pas ces faits mais l’auteur s’est servi des nombreux témoignages qu’il a recueillis auprès de victimes de ces arrestations pour écrire ce roman. C’est donc une fiction, très documentée, dans laquelle se dessine en filigrane le sort des victimes de l’homophobie sur le « Queen Boat » (nom du bar flottant).
L’auteur évoque l’homophobie dans la société égyptienne, liée à la religion mais aussi à la « tradition ». d’une société très conservatrice. On découvre aussi que l’homosexualité supposée d’une personne est utilisée à des fins politiques pour écarter celle-ci.
L’auteur brosse également le portrait d’une police sadique qui n’hésite pas à utiliser des actes cruels pour soutirer des aveux.
L’araignée, motif récurent et fort tout au long du roman ( au travers des cauchemars mais aussi en « compagne de chambre ») tisse sa toile qui prend au piège la communauté homosexuelle égyptienne.
Malgré ce tableau très sombre, la relation entre Hani et Abdelaziz, décrite avec pudeur, poésie et émotion, illumine le roman et offre l’espoir d’une relation hors de la violence et de la fugacité.
La galerie des personnages secondaires – la mère, le grand-père, le Prince, les chéris, Karim au destin tragique - nourrit le récit cadre à la manière d’un conte, avec pour décor la ville du Caire, merveilleusement dépeinte.
Précipitez-vous pour lire ce rare roman traitant de l’homosexualité masculine écrit en langue arabe.
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