Louis veut partir, de David Fortems (Robert Laffont, 2020)
« Tout ce qui lui passe par la tête, c’est cette question avec laquelle il faudra dorénavant se lever tous les jours : Comment survivre à la mort d’un enfant qui a choisi de perdre sa propre vie? »
Pascal, ouvrier dans une petite ville des Ardennes françaises, a toujours été fier de son fils Louis, un garçon calme et bon élève qui passe son temps dans les livres. Une passion presque obsessionnelle pour la littérature qui surprend dans leur entourage modeste. Tous deux mènent une vie tranquille, faite de silences complices. C'est du moins ce que pense Pascal jusqu'à ce que Louis soit retrouvé mort à la confluence de la Meuse et de la Semoy, où il a décidé de mettre fin à ses jours. Pourquoi un tel geste ? Que s'est-il passé ? Abasourdi et accablé, Pascal va peu à peu découvrir la vérité. Et bientôt, une évidence : son fils était pour lui un parfait inconnu.
Un premier roman bouleversant, sensible et rude. C'est un roman d'affection paternelle qui dissèque une relation manquée entre un père et un fils. Un livre sur l'incommunicabilité, dans une société où tout est médiatisé, et la résilience.
Les deux personnages sont touchants : il y a ce père, Pascal, parent unique, fort et doux, ouvrier, ex-syndicaliste. Il est fondamentalement de gauche, d’une gauche peut-être plus très actuelle. Il s’est battu pour une certaine égalité des droits. Il n’est plus engagé, il est résigné, a arrêté de se battre parce que les forces face à lui sont trop puissantes. Il se sent seul dans ce combat. Et c'est seul qu'il va devoir faire face à son deuil. Et il y a ce fils, Louis, personnage mystérieux, difficile à saisir, qui ne cesse de se transformer, reconstruit par le kaléidoscope des témoignages que Pascal recueille après son suicide. Nous ne le voyons que par les regards des autres, ce qui renforce cette impression d'impossibilité à le cerner. Seul élément stable qui semble le définir : cet amour et cette fascination autour de lui.
A travers cette quête d'un père pour connaître son fils, l'auteur aborde de nombreux thèmes : l'homosexualité, les sites éphémères de rencontre , les réseaux sociaux , la drogue , le porno amateur , le VIH … Il aborde aussi la problématique du déterminisme social; la difficulté à exister lorsqu'on est issu d'un milieu défavorisé.
Si ce roman m'a tant marqué, c'est qu'il pose la question de la masculinité. J'ai aimé ce personnage du père, fait de force et de douceur, animé par l'amour, le désespoir et la honte et qui va être amené, en partant à la découverte de son fils, à s'interroger sur sa propre masculinité, une masculinité douce dans un monde violent, une masculinité différente de celle de son fils, plus dans l'intellect.
Je terminerai en citant l'auteur à qui on demande de décrire son livre en trois mots : « Sincère, lucide et poétique ».
J.M.