Publié par

Marie Docher est une photographe, réalisatrice, militante féministe et cofondatrice du collectif La Part des Femmes. Elle signe ici un livre photo édité, fait rarissime pour ce type de document, à 6000 exemplaires. 
10 ans après l’adoption du mariage pour toustes, elle dresse le portrait de femmes lesbiennes, en adoptant la même trame : 
-    comment ont-elles vécu les violences des manifestations aux slogans terrifiants lors de la discussion du projet de loi ?
-    Quelles représentations avaient-elles pour se construire ?
-    Comment se nomment elles ?
Le 16 mai 2023, Anne Hidalgo, maire de Paris (voir les photos sous l'article), poste une photo sur le réseau « X » (Twitter) pour célébrer les 10 ans du mariage pour toustes. On ne peut que constater la discrimination silencieuse faite aux femmes : aucun couple féminin sur la photographie.  Dans notre société hétéropatriarcale, l’homophobie est toujours bien présente, et force est de constater que les violences lesbophobes sont « aussi » en augmentation. On peut citer la campagne de cyberharcèlement homophobe lancée contre la chanteuse Hoshi, mais il y a aussi toutes les anonymes, victimes de propos haineux.
Marie Docher propose ici une quarantaine de portraits de femmes aux profils variés : âges, milieux sociaux, statuts maritaux différents, origines géographiques diverses, valides ou non… 
Qui sont-elles ?
Comment vivent-elles ? 
Chacune écrit son histoire, une façon de se réapproprier une intimité jetée sur la place publique lors des débats de 2013 et de dessiner les contours d’enjeux collectifs.
Pour lutter contre l'homophobie, certains militants gays radicaux ont repris l’insulte « Pédé » à leur compte, se la sont appropriés pour la vider de son sens péjoratif. Ces femmes ont parfois eu des difficultés à assumer les termes « lesbienne » ou « gouine », par manque de représentations, de modèles, par peur de la lesbophobie, par contrainte à l’hétérosexualité… Pour beaucoup, c’est le militantisme féministe a permis une affirmation de leur orientation.  Pour d’autres, c’est justement la manif pour tous qui a entrainé  leur besoin d’affirmation, ou qui a joué un rôle dans leur construction. Elles ont découvert alors la puissance de l’activisme.

Si toutes s’accordent à dire que le mariage pour toustes est un acquis pour la communauté LGBT, certaines regrettent cette « institutionnalisation » du couple homosexuel, et le risque parfois de tomber dans un système bourgeois, hétérosexiste, raciste et validiste. 

Une quarantaine de portraits viennent cueillir le lecteur, difficile de lâcher ce livre ! On garde longtemps avec soi Maïc en couple avec Ju, un mec trans se définissant gouine, qui évoque la biphobie dans le milieu LGBT. Lama, née au Liban où l’union civile n’existe pas, surprise par l’homophobie française. Alexandre, Juliette et Aurélie qui ont eu un enfant dans un schéma familial différent. Emma, qui se réapproprie les mots « grosse » et « gouine ». Névada qui a fui la Guinée…

On referme le livre en gardant l’essentiel : l’amour.
Comme dans la chanson de Cabrel qui a inspiré le titre du livre
Elle a dû faire toutes les guerres
Pour être si forte aujourd'hui
Elle a dû faire toutes les guerres
De la vie, et l'amour aussi

Et des guerres, ces femmes en ont menées et en mènent encore. 

S..

ET L’AMOUR AUSSI, de Marie Docher
ET L’AMOUR AUSSI, de Marie Docher
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article