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Nuovo Olimpo est un film italien sorti au mois de novembre sur Netflix. Il s'agit du quatorzième long-métrage du réalisateur turco-italien Ferzan Özpetek, qui s'est inspiré de sa propre vie pour élaborer la trame du scénario.
Deux hommes se rencontrent dans un cinéma. Enea, cinéphile, veut devenir réalisateur. Pietro se prépare à devenir médecin. Le premier est urbain (de Rome), passionné, engagé politiquement pour un monde meilleur, à l'aise avec son homosexualité. L'autre est provincial (des Marches), conventionnel, timide, indécis et mal à l'aise avec son homosexualité. Ils sont attirés l'un par l'autre mais Pietro est novice et lui propose plutôt de se revoir le lendemain. Le soir même, Enea parle de Pietro à son amie-amante Alice. Cette dernière lui laisse la clé de la maison de sa grand-mère pour que les deux jeunes hommes aient un lieu où se voir. Ils y passent une nuit à se découvrir. Malheureusement, une manifestation violemment réprimée interrompt leur rendez-vous suivant, alors qu'ils n'ont pas encore échangé leurs coordonnées. La vie les entraîne sur des chemins différents. Le temps passe (années 80, 90, 2000, 2010), mais cet amour empêché les hante toujours. Un nouvel incident va les réunir à nouveau...
Vous l'aurez compris, nous sommes dans la veine mélodramatique qu'affectionne tout particulièrement le réalisateur. Nuovo Olimpo, c’est un peu un condensé du cinéma d’Özpetek avec de nombreux motifs qui lui sont chers : les secrets inavoués, les terrasses qui servent de lieux de vie et de révélations, les couples qui se questionnent, les chansons de Mina, grande diva italienne, et les corps sculpturaux des jeunes hommes. Dans la première partie, le réalisateur se plaît d’ailleurs à les mettre beaucoup à nu. Il les filme sous toutes les coutures pour nous faire ressentir au plus près des corps l'intensité de la passion. Cette seule et unique nuit d’amour est une magnifique scène d’érotisme et de sensualité. Pour écrire l’histoire de ses personnages, le réalisateur Ferzan Özpetek s’est inspiré d’une rencontre qui a changé sa vie.
“À la base de tout, il y a une histoire qui m'est réellement arrivée au cours de mes premières années à Rome, explique-t-il dans le quotidien italien Corrierre della Sera. Un rendez-vous manqué, nous nous étions attendus à deux endroits différents. (...) En écrivant avec Gianni (Romoli, le scénariste), j'ai réalisé que lorsqu'on parle d'Enea et de Pietro, mes souvenirs se mélangent. Le résultat est un film sur la mémoire comme seule fidélité possible.”
Œuvre sur le temps qui passe et sur les amours de la jeunesse perdue, Nuovo Olimpo parlera sans aucun doute à tous ceux qui ont déjà secrètement fantasmé une histoire à partir d’une courte passion, et ont mis une partie de leur cœur en sommeil dans l’attente de potentielles retrouvailles. “Parce que le vide me hante avec mon sang / Comme un peintre je t’invente et je t’attends (…) / Mais ces rêves ne me laissent que tourments / Car je traîne ma détresse et je t’attends” dit la chanson d’Aznavour que l’on entend, tel un présage, lors d’une virée en vespa. Özpetek dépeint avec beaucoup de sensibilité les profondes blessures d'un amour contrarié, le sentiment permanent d'incomplétude et d'insatisfaction de n'avoir pas vécu pleinement, cette frustration  qui ronge chacun des personnages.
Le titre du long-métrage, Nuovo Olimpo, est le nom d'un cinéma. Et le cinéma est finalement l'autre thème central du film.
Il y a d'abord le lieu. Ce cinéma romain des années 70 est un lieu de rencontres pour les homosexuels, comme l'étaient les vespasiennes. Dans les années 80, ce petit cinéma de quartier deviendra un cinéma porno avant de disparaître.
Mais ce cinéma  est aussi le lieu symbolique du film. On y entre plein d'espoir et de rêves d'une vie enivrante, d'un amour passionné qui suspendrait le cours du temps, d'aventures fantastiques. Mais le réalisateur nous met en garde : Titti, la caissière du cinéma qui se rêvait en Sophia Loren et sur l'écran, reste sur le seuil du rêve, clouée à sa caisse. Giuletta Massina, sur l'écran incarne, dans des mélodrames, des personnages aux amours et destins brisés. Le cinéma est le lieu des promesses, d'un destin enchanté, d'un amour ardent pour Enea et Pietro. Mais, comme les films projetés à l'écran, le destin, sous la forme d'un incident va tout changer.
Tout le film est une déclaration d'amour au septième art et est truffé de références et d'hommages. À Almodovar bien sûr, tant la narration, la mise en scène et même la musique renvoient au réalisateur espagnol. Mais aussi à Giuletta Massina, incarnant souvent la femme amoureuse trahie. À son mari dans la vie, Federico Fellini, dont le décès émeut profondément Enea. Sophia Loren, bien entendu, incarnée dans la caissière du cinéma, nous renvoyant, par exemple, à Une journée particulière. On pense aussi au cinéma de Fassbinder, au film Elle et lui (pour l’accident qui vient compromettre un rendez-vous). Mais c’est surtout l’ombre de Douglas Sirk, le maître du genre, qui plane, avec un final tout en aveuglement et révélations qui cite directement Le Secret magnifique. Ironie de l’histoire, c’est Mamma Roma, chef-d’œuvre néoréaliste de Pasolini, qui marquera à jamais la première rencontre et la mémoire des deux amoureux…
Enfin, je voudrais terminer par la dimension personnelle que le réalisateur a donnée à son film. Le personnage d'Enea, devenu réalisateur, s'inspire de sa vie pour nourrir ses films. La mise en abyme est flagrante. Et sans parler d’œuvre testamentaire, le réalisateur  nous donne  beaucoup de clés pour comprendre ses œuvres antérieures. Il se risque même à une leçon (fictive) de cinéma lorsque son double Enea s’exprime lors d’une conférence de presse. Oui, il aime le mélo, car c’est un genre universel qui touche tout le monde. Et non, il ne parle pas tout le temps de l’homosexualité. Ce sont « les autres qui n’en parlent jamais ».
Ferzan Özpetek est une véritable star en Italie où il bénéficie de l’aura d’un Pedro Almódovar.  Avec son Hammam, en 1997, il  faisait entrer l’homosexualité dans le cinéma italien contemporain. Avec Pour toujours, en 2019, il fait entrer un couple gay dans la pater­nité. Fan de la première heure, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans sa filmographie. Pour les amateurs de série, je conseille également Le Fate Ignoranti (2022), adaptation du film Tableau de famille (2001), disponible sur Disney + et pour lequel vous pouvez trouver un compte-rendu sur ce blog.
 
JM

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