XXY, un film indispensable
La plupart des gens ne savent pas ce qu’est l’intersexuation. Le film de fiction XXY a le mérite de poser un regard bienveillant sur la question. Un regard bienveillant et rare.
Des enfants naissent avec des organes sexuels externes qui ne correspondent pas aux normes « mâle » et « femelle » telles que nous les concevons. Et dans nos sociétés obsédées par la binarité sexe/genre, tout écart à la norme est perçu comme une déviance à redresser. Ces enfant font donc l’objet d’une réassignation sexuelle dès la naissance. Sans que l'on sache par avance dans quel « sens » de genre l’enfant se développera, on attribue une conformation sexuelle au bébé. Avec le risque d’une inadéquation à l’adolescence, sans parler des cicatrices douloureuses pour ces personnes qui subissent le plus souvent plusieurs opérations successives, une médication importante et à vie, et à qui on cache leur spécificité.
XXY évoque la vie compliquée d’un.e jeune ado intersexe, Alex, contraint.e depuis la naissance de cacher ce qui peut apparaître comme un « secret », à savoir son intersexuation. Alex ne manque pas de s’interroger sur ce corps hors normes, que l’entourage, bien que parfaitement aimant et à rebours de la doxa dominante qui veut opérer ces enfants dès le plus jeune âge, questionne également en se demandant comment aborder l’adolescence et dans quelle direction Alex va engager son corps sexué. Pour résoudre le dilemme, les parents invitent un couple d’ami.es, le mari étant chirurgien/plasticien, prêt à opérer Alex pour lui offrir le « bonheur » de la normalité.
Mais c’est sans compter les résistances d’Alex et de son père, qui a refusé toute opération à la naissance et pour lequel le corps de son enfant a toujours été « parfait ». Le récit, qui se déroule en Argentine, met en scène les premiers émois d’Alex – perçu.e par l’entourage éloigné comme une fille – avec le fils du couple d’ami. Et bien sûr, la sidération – mais aussi le plaisir – pour ce jeune homme qui découvre qu’Alex est doté.e… d’un pénis ! Le film insiste sur le regard parfois hostile des « autres », fascinés par ce qui leur semble être une monstruosité, autant repoussante qu’attirante.
Quel sera le choix d’Alex ? L’opération chirurgicale de normalisation qui implique de s’identifier à un des deux genres qu’on nous présente comme « normaux » et "naturels" ? Avec à la clef de cette normalisation une vie sociale sans doute moins compliquée ? Ou plutôt accepter ce que le corps élabore et trouver sa voie sans en passer par le bistouri du chirurgien ? Le chemin d’Alex n’est en rien normatif. Il s’agit d’un chemin parmi tant de possibles, des chemins difficiles on le comprend bien.
Un film émouvant, dur parfois, et qui permet de toucher du doigt combien le système de hiérarchie et d’exclusivité fondé sur la domination des normes hétéros-cisegenres-patriarcales et binaires, fragilise, gâche ou détruit la vie des personnes « minoritaires ».
G.