Tangerine, un film de Sean Baker
Tangerine déroute à plus d’un titre. Veille de Noël, Los Angeles : Sin-Dee sort de prison et retrouve son amie Alexandra autour d’un unique donut. Le film connaît un démarrage éruptif lorsqu’Alexandra explique à son amie avoir été trompée par son mac pendant sa détention. Un drame à la Shakespeare ?
Colère et jalousie poussent Sin-Dee à des débordements de violence, dans un cycle qui dure à peine 24 heures et qui transforme peu à peu le drame en comédie, salutaire retournement. Prétexte à arpenter la vie trépidante de ces deux femmes trans instables, à fleur de peau, se prostituant à l’occasion, parfois sinon souvent victimes de violences.
En se focalisant sur ces deux personnages hauts en couleur, Sean Baker filme surtout l’insertion de ces femmes trans dans l’environnement social, via notamment la figure d’un conducteur de taxi arménien, chef d’une famille symbole de conformité hétérosexuelle et de tradition. Le hic, c’est que Ramzik est attiré par les femmes trans, ce qui n’est pas sans conséquence sur sa vie familiale !
Dans son taxi, Ramzik transporte le tout venant que l’on présume hétéro et cisgenre, des individus fort peu sympathiques au demeurant. Ainsi, le récit se construit autour de ces deux univers, reliés entre eux par ce chauffeur, un pied de chaque côté de la « frontière », de ces deux mondes. D’un côté les frasques des deux femmes survitaminées, rebelles, blagueuses et fortes en tête, empêtrées dans leurs colères, leurs rêves et confrontées à la dure réalité quotidienne dont elles contestent les normes de genre par leur existence même, et de l’autre, un monde cishétéro guère reluisant, morose, éteint, à qui il manque cette énergie vitale propre à Sin-Dee, Alexandra et à leurs nombreuses « sœurs » croisées sur les trotoires de la ville.
Pas simple d’apprécier ce film qui présente une énième fois les femmes trans sous l’angle de la prostitution et du drama. Néanmoins, dans cette histoire filmée avec des téléphones, Sean Baker construit un clair obscur qui rend ces femmes trans lumineuses (des actrices non professionnelles), attachantes, sensibles et bien plus humaines que ne peut l’être cet « autre » monde dans lequel elles tentent de survivre et qui profite largement d’elles sexuellement.
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