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Difficile de réaliser un film sur un sujet de société brûlant (et souvent instrumentalisé) sans donner le flanc à la critique. En choisissant un récit, on privilégie nécessairement un point de vue, un aspect du problème, au risque d’essentialiser une question et d’invisibiliser toute sa complexité.
« Amal, un esprit libre » n’échappe pas à cette problématique. On conseille néanmoins ce film.
Amal, c’est une prof de français dans un lycée public belge. Musulmane, elle enseigne à des élèves dont certain.es expriment sans retenue leurs sentiments religieux. Le point d’achoppement, c’est Mounia, une élève de la classe plus éloignée de la religion que d’autres, tout comme son père d’ailleurs. Mounia est rapidement la cible d’un harcèlement lesbophobe.
Incapable de fermer les yeux, Amal pose la question de la tolérance dans son cours en faisant étudier à la classe un auteur musulman particulièrement iconoclaste du VIIIe siècle, que l’on peut qualifier de libertin et d’homosexuel. Loin de répondre à ses objectifs d’ouverture, cette pédagogie très « politique » provoque le rejet d’une partie des élèves mais également de parents, qui interviennent auprès de la direction pour contraindre l’enseignante au recul. Amal se confronte également à un professeur de religion de toute évidence radicalisé et qui alimente chez une partie des ados le rejet des « impies ».
Deux islam s’affrontent. D’un côté un islam qui se veut progressiste et libéral renvoyant à chaque individu sa définition de la foi et de la pratique ; de l’autre un rigorisme qui veut s’imposer aux autres et exclut du champ des possibles l’homosexualité ou la liberté des femmes. Entre autres.
Le jeu des acteurices, et notamment des élèves, d’une spontanéité explosive, donne à l’ensemble une tonalité réaliste très forte, décrite par certains comme caricaturale. L’auteur du film met en effet l’accent sur la radicalisation, et les critiques lui reprochent cette fin tragique qui semble fermer toute voie à l’espoir et réduire l’islam à l’islamisme : une des élèves radicalisée tue Amal…
Une scène du film n’est pas évoquée par ses détracteurs. Un des proches de Mounia, qui se laisse au départ gagner par l’ambiance homophobe de la classe et par les discours du professeur de religion, finit par refuser la manipulation orchestrée par cet enseignant radicalisé. Si les réseaux sociaux jouent un rôle important dans le harcèlement, c’est avec la caméra de son téléphone et un live qu’il révèle au reste du « monde » les discours incendiaires, sexistes, homophobes et extrémistes du prof en question. Un sursaut qui n’empêche certes pas le passage à l’acte final, mais qui témoigne néanmoins de la diversité des sensibilités dans la classe.
Alors que l’extrême droite en embuscade se gargarise de toute évocation de l’islamisme en jouant sur les effets de raccourcis, une fin moins dramatique aurait-elle rendu le film plus légitime ?
En se focalisant sur la tragédie, on donne le sentiment de décrire la réalité dans son ensemble et pas un aspect très limité de cette réalité. La radicalisation et la violence sont toujours celles d’une infime minorité. Elles pèsent néanmoins sur les esprits et même sur les corps. Les attentats sont là pour en témoigner. Mais ce focus élude le contexte géopolitique dans lequel ces tensions s’inscrivent et qui les nourrissent. La radicalisation se nourrit en partie des politiques étrangères menées par les démocraties et des tensions géopolitiques.
En tant qu’association, nous sommes bien sûr confronté.es à ces paroles excluantes, lgbt+phobes et sexistes notamment. Les lgbt+phobies sont véhiculées par certain.es élèves « musulman.nes », certes, mais également selon notre expérience par des élèves qui ne s’identifient pas le moins du monde à l’islam mais qui défendent un masculinisme radical très inquiétant. Celui de l’extrême droite traditionnelle, qui n’a jamais renoncé à la violence homophobe (et raciste bien évidemment).
Sans oublier les nombreuses prises de positions de dirigeant.es politiques sur la transidentité des mineures, sur le genre, le féminisme, etc., qui nourrissent une profonde hostilité envers les personnes lgbtqia+.
G

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