GiGi, UN COURT-MÉTRAGE D’ANIMATION DE CYNTHIA CALVI
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Dans un murmure à la fois fragile et puissant, GiGi, cette petite sirène aux écailles de rêve, confie une vérité qui résonne comme un écho lointain dans l’océan de son existence : « J’ai compris que je n’avais pas le droit d’être moi-même. »
Son histoire, une odyssée intime entre les profondeurs de l’âme et les rivages de la société, est un chant mélancolique et lumineux, une quête pour exister dans un monde qui lui assigne, dès sa naissance, le destin d’un « garçon ». Ce court-métrage, en lice pour les César 2025, se fait l’écho de son parcours de transition, un voyage parsemé d’ombres et de lumières, de déchirures et de douceurs, devenant ainsi un outil pédagogique autant que poétique.
Ce film, bien qu’il s’appuie sur un témoignage réel, transcende la simple illustration. Loin de se contenter d’un enregistrement sonore habillé d’images, il invente un langage visuel unique, où la transidentité se mêle à l’hybridité de la créature marine. GiGi, inspirée par les souvenirs éthérés de La Petite Sirène, trouve dans cette hybridité une métaphore puissante de son propre cheminement. La mise en scène, subtile, tisse un récit qui oscille entre docu-fiction et conte onirique. Gigi, est guidé par une force supérieure, une présence bienveillante qui l’accompagne dans ses aventures et ses épreuves. Cette force, c’est peut-être sa mère ou la réalisatrice elle-même, qui offre à Gigi les mots et les images pour raconter sa métamorphose.
Ainsi, le film se fait l’écho d’une nécessité vitale : celle de légitimer son histoire, de laisser une trace, un témoignage visuel de ce qui, autrement, resterait indicible. Les métamorphoses physiques de GiGi, entre poisson et humain, humain et poisson, deviennent des symboles poignants de son mal-être intérieur, de ses luttes pour être acceptée dans un monde qui lui impose des normes souvent cruelles. Qu’il s’agisse d’une boîte de nuit ou d’une salle de classe, chaque scène révèle les défis invisibles auxquels elle est confrontée.
Au cœur de ce film palpite la voix de Gigi, son témoignage vibrant, porté par les ailes de l’animation. Dans les interviews, la réalisatrice rapporte l’enthousiasme de GiGi à l’idée de voir son histoire transfigurée en dessins animés. Un micro tendu et ce sont 16h de conversations libres, et d’échanges intimes qui prendront vie grâce à l’animation, un autre langage, fluide et onirique. Le dessin et l’animation donnent vie aux mots, les transforment en images qui dansent et respirent, créent des mondes imaginaires et donnent une chair visuelle à ce qui, autrement, resterait indicible. Ils ouvrent une porte vers une interprétation intime, une connexion émotionnelle profonde, où l’histoire de Gigi résonne bien au-delà des mots.
Pourtant, malgré sa beauté et sa force, le court-métrage n’échappe pas à certaines limites. On ne peut s’empêcher de songer à cette frontière picturale qui, par moments, isole Gigi du reste du monde. Cette séparation, bien qu’artistiquement saisissante, risque d’engendrer une forme d’a-normalisation de son identité, comme si elle était condamnée à flotter dans un entre-deux, ni tout à fait poisson, ni tout à fait humaine. Pourtant, l’essence même du film réside dans son plaidoyer pour l’acceptation de Gigi, pour son droit à exister pleinement au sein de la société, sans être réduite à une créature de l’ombre ou à une figure marginale. Certaines scènes, où la distinction entre les hommes-poissons et les humains est trop marquée, peuvent prêter à confusion. Ces contrastes, bien que visuellement puissants, risquent d’être mal interprétés, comme si elles renforçaient involontairement les barrières que le film cherche à abolir. Il y a là une tension subtile, presque imperceptible, entre la volonté de célébrer l’hybridité de Gigi et le danger de la figer dans une altérité trop radicale. Le film, dans son ambition de briser les cloisons, pourrait parfois, paradoxalement, en ériger de nouvelles, comme si la quête d’identité de Gigi se heurtait à une mise en scène qui, malgré elle, souligne trop fortement sa différence.
C’est là toute la complexité de cette œuvre : elle oscille entre la nécessité de montrer la singularité de Gigi et le désir de la faire reconnaître comme une personne à part entière, capable de vivre et de s’épanouir parmi les autres. Cette dualité, si elle n’est pas pleinement maîtrisée, peut laisser planer une ambiguïté, comme si le film hésitait entre deux rives, celle de l’acceptation et celle de l’exclusion. Pourtant, c’est peut-être dans cette imperfection que réside sa force, car elle reflète avec justesse les contradictions et les luttes inhérentes à toute quête d’identité.
S..
Pour voir le court-métrage d’animation :
https://www.arte.tv/fr/videos/103493-000-A/gigi/
Pour lire une interview de la réalisatrice :
https://www.arte.tv/fr/videos/121085-000-A/rencontre-avec-cynthia-calvi/
Gigi - Regarder le film complet | ARTE
De la petite sirène tourmentée à la femme épanouie qu'elle est aujourd'hui, Gigi nous raconte son parcours de transition avec humour et sensibilité.
Rencontre avec Cynthia Calvi - Réalisatrice de " Gigi " - Regarder l'émission complète | ARTE
Cynthia Calvi aime réaliser des documentaires animés. Elle nous parle de son nouveau film " Gigi ".
https://www.arte.tv/fr/videos/121085-000-A/rencontre-avec-cynthia-calvi/