Portrait de la jeune fille en feu (2019) : une ode à l'amour, à la liberté et à la création artistique
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Réalisé par Céline Sciamma, Portrait de la jeune fille en feu est bien plus qu'un film historique ou une romance lesbienne. C'est une œuvre profondément poétique qui explore les thèmes de l'amour, du désir, de la liberté et de la création artistique à travers la relation complexe entre Marianne, une peintre, et Héloïse, une jeune aristocrate. Le film se déroule à la fin du XVIIIe siècle, dans un cadre isolé et sauvage, où les émotions et les tensions entre les personnages sont transmises avec une subtilité et une intensité rares. À travers une mise en scène minutieuse, une utilisation magistrale de la lumière, des couleurs et du silence, Sciamma crée une expérience cinématographique qui transcende les conventions narratives pour toucher à l'universel.
Au cœur du film se trouve la relation entre Marianne (Noémie Merlant) et Héloïse (Adèle Haenel). Marianne est engagée pour peindre le portrait d'Héloïse, destinée à un futur mariage arrangé. Ce qui commence comme une mission professionnelle se transforme rapidement en une relation intime et passionnée. Le film explore la manière dont l'amour et le désir émergent à travers le regard et l'acte de peindre. Marianne observe Héloïse pour capturer son essence sur la toile, mais ce regard devient progressivement un échange, une conversation silencieuse où les deux femmes se découvrent et se révèlent l'une à l'autre.
L'amour entre Marianne et Héloïse est à la fois tendre et tumultueux, marqué par une tension constante entre le désir et la réalité de leur situation. Héloïse, contrainte par les attentes sociales et familiales, incarne la quête de liberté. Son refus initial de poser pour le portrait est un acte de rébellion contre son destin imposé. Marianne, en tant qu'artiste, représente la liberté créative, mais elle aussi est limitée par les conventions de son époque. Leur relation devient ainsi une métaphore de la lutte pour l'autonomie et l'expression personnelle.
La création artistique est un thème central du film, non seulement comme acte technique, mais comme moyen de connexion et de compréhension. Le processus de peinture est montré comme une forme d'intimité, où l'artiste et le modèle se rencontrent dans un espace de vulnérabilité et de vérité. La scène dans laquelle Marianne peint Héloïse en secret, puis celle où elles collaborent pour achever le portrait, illustrent cette fusion entre l'amour et l'art. Comme le dit Marianne : "Ce n'est pas seulement vous que je regarde, c'est nous."
La mise en scène de Sciamma est d'une précision chirurgicale. Chaque plan est composé avec soin, reflétant les émotions des personnages et les dynamiques de leur relation. La lumière naturelle joue un rôle crucial, éclairant les visages et les paysages avec une douceur qui évoque à la fois la beauté et la mélancolie. Les couleurs, dominées par des tons froids et terreux, contrastent avec les éclats de rouge et de blanc, symbolisant la passion et la pureté des sentiments.
Le silence est un autre personnage du film. Les dialogues sont rares, mais chaque mot est chargé de sens. Les moments de silence, souvent accompagnés par la musique minimaliste de Jean-Baptiste de Laubier (alias Para One), amplifient les émotions et les tensions non dites. Par exemple, la scène dans laquelle Marianne et Héloïse se regardent à travers le feu de cheminée est un moment de silence éloquent, où le désir et la complicité sont palpables sans qu'un mot ne soit prononcé.
Le regard est un motif récurrent dans Portrait de la jeune fille en feu. Marianne observe Héloïse pour la peindre, mais ce regard devient rapidement réciproque. Héloïse, en retour, observe Marianne, créant un dialogue visuel qui transcende les mots. Ce jeu de regards est une métaphore de la relation amoureuse, où l'amour naît de la reconnaissance mutuelle et de la compréhension profonde de l'autre.
L'acte de peindre est également une métaphore de l'autonomie féminine. Marianne, en tant que femme artiste, défie les normes de son époque. Héloïse, en refusant de se conformer aux attentes de son mariage arrangé, affirme son indépendance. Leur collaboration pour créer le portrait devient un acte de résistance et d'émancipation. Comme le dit Héloïse : "Quand on regarde l'autre, ne se sent-on pas regardé aussi ?"
Portrait de la jeune fille en feu est un film qui résonne bien au-delà de son époque historique. Il parle de l'universalité de l'amour, de la quête de liberté et du pouvoir de l'art. Comme le dit Marianne à la fin du film : "Dans la solitude, j'ai ressenti la liberté dont vous parliez. Mais j'ai aussi ressenti votre absence." Cette ligne résume à elle seule l'essence du film : une exploration poétique et intime de ce qui nous lie et nous libère.
À voir !
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