LE TRANSFÉMINISME : UN FÉMINISME PLURIEL ET INTERSECTIONNEL
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L'oppression des femmes n'est pas une conséquence naturelle de leur sexe biologique, mais plutôt un construit social, comme l'a souligné Gayle Rubin, anthropologue et militante féministe américaine. Cette idée est au cœur du transféminisme, un mouvement qui cherche à inclure les expériences des femmes transgenres et des personnes non binaires dans les luttes féministes. Cet article explore les racines, les principes et les arguments clés du transféminisme, tout en mettant en lumière son importance dans le contexte d'un féminisme intersectionnel.
Le transféminisme ou les transféminismes ? Une tentative de définition
Le féminisme, en tant que mouvement politique organisé, a historiquement visé à garantir les droits des femmes et à lutter contre les oppressions de genre dans la société. Toutefois, ses origines et ses premières mobilisations se sont largement concentrées sur l'expérience des femmes cisgenres, hétérosexuelles, blanches, et issues de classes moyennes ou supérieures, sans prise en compte des handicaps. Par exemple, les luttes pour le suffrage universel, menées principalement par des femmes blanches et cisgenres de classe moyenne, illustrent cette tendance initiale : elles omettaient radicalement leurs « sœurs » colonisées. Cependant, l'évolution des perspectives féministes a permis de mettre en lumière que les questions de genre s'entrecroisent avec d'autres dimensions sociales telles que l'ethnicité, la classe, la sexualité, l'orientation sexuelle et la nationalité, influençant ainsi les formes spécifiques d'oppression vécues par les femmes.
Historiquement, le féminisme a souvent été critiqué pour son caractère excluant. Les lesbiennes butch, les lesbiennes racisées, les femmes de couleur, les travailleuses du sexe, ainsi que les femmes issues de certaines confessions religieuses, entre autres, ont été marginalisées au sein de ces luttes. Cette exclusion reflète une tendance à lutter de manière sélective, en négligeant la diversité des expériences féminines. En effet, le féminisme devrait concerner toutes les femmes, et non se limiter à une conception restrictive de la "femme" (sous-entendue blanche, hétérosexuelle et de classe moyenne).
Dans ce contexte, le transféminisme apparaît comme une réponse salutaire à ces lacunes. Il représente une prise de conscience critique des préjugés internes au mouvement féministe et des oppressions internalisées qui y persistent. Le transféminisme est un mouvement conduit par et pour les femmes trans, tout en étant ouvert à d'autres personnes queer, telles que les personnes intersexes, les hommes trans, et toute personne solidaire des luttes des femmes trans. Les transféministes revendiquent une place légitime au sein du féminisme, où leurs expériences de féminité sont reconnues, leurs contributions intellectuelles respectées et leurs revendications politiques soutenues.
En somme, le transféminisme constitue un espace de lutte et de production intellectuelle porté par des individus se définissant comme femmes, queer, travestis, transgenres, « transexuels » (sic), non binaires, ou encore sous des identités telles que "transpédales" ou "pédétravesties". Il incarne une réappropriation critique et inclusive des luttes féministes, visant à déconstruire les normes de genre tout en intégrant les perspectives des personnes trans et queer.
Racines du transféminisme
Le transféminisme, en tant que courant théorique et militant, émerge principalement dans les années 1990, bien que les luttes pour les droits et la reconnaissance des personnes transgenres s’inscrivent dans une histoire bien plus ancienne. Un événement marquant de cette histoire est celui des émeutes de Stonewall en 1969, souvent considérées comme un moment fondateur du mouvement LGBTQ+. Ces émeutes ont été largement menées par des femmes transgenres et des personnes racisées, telles que Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera. Pourtant, ces figures pionnières ont souvent été marginalisées au sein des mouvements féministes et LGBTQ+, malgré leur rôle central dans la défense des droits des personnes trans. Actives lors des émeutes de Stonewall, elles ont fondé STAR (Street Transvestite Action Revolutionaries), une organisation visant à soutenir les personnes trans, en particulier les femmes trans racisées, dans leur quête de droits et de dignité. Leur activisme a permis de mettre en lumière les intersections entre les luttes pour les droits des personnes trans et le mouvement de libération gay, tout en soulignant l’importance de l’inclusion des voix trans dans les discours militants.
Dans les années 1990, des théoriciennes et activistes comme Sandy Stone et Kate Bornstein ont contribué à formaliser une critique des normes de genre et à plaider pour l’inclusion des personnes trans dans les espaces féministes. Sandy Stone, dans son essai The Empire Strikes Back: A Posttranssexual Manifesto (1987), a répondu aux critiques transphobes émanant de certaines féministes radicales, notamment Janice Raymond. Stone y défend une vision inclusive du féminisme, affirmant que les personnes trans doivent être pleinement intégrées aux luttes féministes. Son travail a posé les bases théoriques du transféminisme en contestant les discours excluants et en proposant une reconfiguration des normes de genre.
Kate Bornstein, quant à elle, a approfondi ces réflexions à travers des œuvres comme Gender Outlaw (1994), où elle explore la fluidité du genre et remet en question les catégories binaires de masculinité et de féminité. Bornstein a milité pour une compréhension élargie de l’identité de genre, insistant sur la nécessité de reconnaître les expériences trans comme partie intégrante des luttes féministes.
Riki Anne Wilchins, militante américaine née en 1952, a également contribué de manière significative à la théorisation des normes de genre et à leur impact sur les personnes trans. Son travail a permis de mieux comprendre les mécanismes de marginalisation et de violence liés au genre.
Plus récemment, des figures telles qu’Emi Koyama et Julia Serano ont enrichi la pensée transféministe en explorant les intersections entre genre, race, classe et sexualité. Dans le contexte francophone, Karine Espineira a joué un rôle pionnier dans l’introduction et le développement du concept de transféminisme. À travers son travail avec l’Observatoire des Trans-Identités (ODT) et ses publications académiques, comme Transidentités : Histoire d’une dépathologisation (co-écrit avec Maud-Yeuse Thomas), elle a contribué à une meilleure compréhension des enjeux trans en France.
Enfin, Alexandre Baril, chercheur québécois, a été l’un des premiers à utiliser et à définir le terme de transféminisme en français. Dans son ouvrage Transsexualité et privilèges masculins : fiction ou réalité ? (2009), il examine les intersections entre transidentité et privilège de genre, offrant une perspective critique sur les dynamiques de pouvoir au sein des discours féministes et trans.
Principes fondamentaux du Transféminisme
Le transféminisme repose sur plusieurs principes fondamentaux qui visent à déconstruire les normes de genre dominantes et à promouvoir l'inclusion des personnes transgenres.
Premièrement, il remet en question l'essentialisme de genre, une perspective qui postule l'existence de natures féminines et masculines intrinsèquement distinctes. Contrairement à cette vision, le transféminisme défend l'idée que le genre est une construction sociale fluide et non binaire, rejetant l'idée d'une détermination biologique immuable. Il met en avant la diversité des identités de genre et souligne la variabilité des expériences individuelles. Bien que la deuxième vague du féminisme ait contribué à dissocier le genre du sexe biologique, elle a également maintenu une conception de la biologie comme essence pré discursive des corps, ce qui tend à privilégier les personnes cisgenres. Par exemple, les personnes transgenres sont souvent interrogées sur leur "devenir" femme ou homme, une question qui n'est jamais posée aux individus cisgenres, révélant ainsi une hiérarchisation implicite des identités.
En outre, le transféminisme dénonce les politiques discriminatoires qui continuent de s'appuyer sur des critères biologiques pour justifier des inégalités. Ces politiques ignorent souvent l'existence des personnes intersexes, dont les caractéristiques anatomiques ne correspondent pas aux normes binaires traditionnelles, renforçant ainsi leur marginalisation.
Deuxièmement, le transféminisme prône une solidarité active avec les personnes transgenres, en militant pour leur reconnaissance juridique, leur accès aux soins de santé adaptés et la lutte contre les discriminations systémiques. Il s'engage à défendre leurs droits dans tous les aspects de la vie sociale et politique.
Troisièmement, le transféminisme intègre une perspective intersectionnelle, reconnaissant que les femmes transgenres subissent des formes d'oppression spécifiques, à la croisée du sexisme et de la transphobie. Il met en lumière les intersections entre le genre, la « race », la classe sociale et d'autres facteurs, soulignant la nécessité d'une approche inclusive et multidimensionnelle dans la lutte pour l'égalité.
Enfin, le transféminisme vise à autonomiser les personnes transgenres en leur fournissant les outils nécessaires pour revendiquer leurs droits, s'exprimer librement et s'épanouir pleinement dans une société souvent hostile. Cette démarche s'inscrit dans une volonté plus large de transformer les structures sociales pour les rendre plus justes et équitables.
Réévaluation des normes de genre et inclusion plus large des diversités identitaires au sein des mouvements féministes
Le transféminisme appelle à une réévaluation des normes de genre et à une inclusion plus large des diversités identitaires au sein des mouvements féministes, tout en dénonçant les mécanismes de marginalisation et d’exclusion qui persistent dans les discours médiatiques et sociaux.
• Droit à l’autodétermination identitaire :
Chaque individu possède le droit inaliénable de définir son identité de genre et d’exiger que celle-ci soit respectée par la société. À cet égard, il est essentiel de souligner que la transidentité ne doit pas être pathologisée. Cette perspective a été institutionnalisée avec la publication de la Classification internationale des maladies (CIM-11) en 2018, entrée en vigueur en 2022, qui retire la transidentité du chapitre des troubles mentaux et comportementaux, marquant ainsi une avancée significative dans la reconnaissance des droits des personnes trans.
• Autonomie corporelle et intégrité personnelle :
Toute personne dispose du droit exclusif de décider de ce qui concerne son propre corps. Aucune autorité, qu’elle soit politique, médicale ou religieuse, ne devrait avoir le pouvoir de violer cette autonomie ou d’entraver les choix individuels relatifs au corps. Ce principe souligne l’importance de protéger l’intégrité physique et psychologique des individus contre toute forme d’ingérence externe.
• Critique du système binaire de genre :
Les personnes trans, en particulier les femmes trans, sont souvent contraintes de justifier leur appartenance au genre féminin en adhérant à des stéréotypes de genre préétablis. Cette exigence reflète les limites d’un système binaire qui impose des normes rigides et exclut les expressions de genre divergentes. Ainsi, il est crucial de remettre en question l’idée qu’il existerait une manière « authentique » d’être une femme ou un homme, tout comme il n’existe pas de définition unique ou « vraie » du féminisme.
• Transféminisme et déconstruction des normes patriarcales :
Le transféminisme propose une réflexion critique sur la manière dont les normes hétérosexuelles et patriarcales sont internalisées, notamment par les femmes cisgenres. Il met en lumière le fait que la sécurité et l’acceptation sociale des personnes trans dépendent souvent de leur capacité à être perçues comme conformes aux standards de la féminité « normative ». Cette dynamique reproduit les structures oppressives, comme le souligne Audre Lorde dans sa célèbre assertion : « Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître. » En d’autres termes, l’utilisation des normes de l’oppresseur pour hiérarchiser les différences ne fait que renforcer le système dominant.
• Inclusion et diversité au sein du féminisme
Le transféminisme invite à reconsidérer les jugements portés sur les femmes, qu’elles soient trans ou cisgenres, qui sont accusées de renforcer les stéréotypes de genre. Une telle critique risque d’exclure une grande partie des femmes, y compris les femmes trans, des mouvements féministes. Par exemple, l’hyperféminisation, qu’elle soit adoptée par des personnes trans ou cisgenres, ne doit pas nécessairement être interprétée comme un acte de soumission ou de passivité. Elle peut également relever d’un choix personnel ou d’une source de plaisir. Bien que certaines femmes trans adhèrent aux standards hégémoniques de beauté, d’autres s’engagent activement dans la lutte contre ces mêmes stéréotypes. Cependant, ces dernières sont souvent sous-représentées dans les médias, qui tendent à sexualiser les femmes trans, reflétant ainsi une tendance plus large à la sexualisation des femmes en général.
« Ne suis-je pas une femme ? »
La question « Ne suis-je pas une femme ? », prononcée par Sojourner Truth, une ancienne esclave, lors d’un discours marquant en 1851, interpelle à la fois les mouvements féministes et abolitionnistes de l’époque. Elle met en lumière les multiples formes d’oppression subies par les femmes noires, notamment celles liées à la classe sociale, à la « race » et au genre. Cette interrogation, centrale dans le féminisme noir, soulève des enjeux de pouvoir, notamment en ce qui concerne la construction sociale du genre. Le pouvoir, en effet, tend à imposer une vision normative et restrictive de ce que signifie être un homme ou une femme.
Simone de Beauvoir, dans sa célèbre assertion « On ne naît pas femme, on le devient », souligne que la féminité est le résultat d’un processus social et culturel. Cependant, cette construction genrée repose souvent sur une conception essentialiste du corps, où la « matérialité » biologique est perçue comme un prérequis pour incarner la féminité. Judith Butler, quant à elle, propose une perspective différente en affirmant que « nous ne sommes pas nos corps, nous produisons nos corps ». Selon elle, le genre n’est pas déterminé par le sexe biologique, mais se construit à travers des pratiques culturelles et sociales qui interprètent et façonnent le corps. Ainsi, le genre émerge de l’interaction entre le sexe et les normes culturelles.
Ces tensions conceptuelles peuvent engendrer des conflits, notamment lorsque des personnes transgenres tentent d’accéder à des espaces dits « féminins », souvent perçus comme des refuges contre les structures patriarcales. Il est important de rappeler que ces espaces trouvent leur origine dans le féminisme lesbien des années 1970, un mouvement principalement composé de femmes blanches de classe moyenne. Ce courant féministe a souvent placé le sexisme au premier plan des oppressions, reléguant au second plan les questions de classe et de « race », ce qui a contribué à marginaliser les expériences des femmes issues de minorités raciales et sociales.
Privilèges masculins et identité transgenre
La problématique du privilège masculin dans le contexte des personnes transgenres a suscité des débats au sein des mouvements féministes. Certaines théoriciennes féministes soutiennent que les femmes trans (MTF, Male to Female), ayant été socialisées en tant qu’hommes, auraient bénéficié des privilèges associés à la masculinité. Cependant, cette perspective néglige souvent le fait que l’assimilation à un genre masculin a pu constituer un fardeau pour ces individus, notamment en raison des pressions sociales liées à la conformité aux normes de virilité. En effet, beaucoup de femmes trans ont été confrontées à des jugements sévères de la part des hommes pour ne pas correspondre aux attentes traditionnelles de la masculinité.
Néanmoins, certaines femmes trans reconnaissent qu’à un certain stade de leur vie, elles ont pu bénéficier de privilèges masculins, que ce soit dans le domaine de l’éducation, de l’emploi ou d’autres sphères sociales, indépendamment du fait qu’elles aient ou non apprécié d’être perçues comme des hommes. Il est important de noter que toute personne dont l’identité ou l’expression de genre correspond à son assignation de genre à la naissance jouit d’un privilège spécifique : celui de ne pas être confrontée à la transphobie. Comme tout privilège, celui-ci est souvent invisible pour ceux qui en bénéficient, rendant difficile une prise de conscience collective.
Les tensions entre certains groupes féministes et les communautés transgenres remontent aux années 1970, comme en témoigne l’exclusion de figures telles que Sandy Stone et Beth Elliott des cercles lesbiens de l’époque. Janice Raymond, dans son ouvrage The Transsexual Empire: The Making of the She-Male, avance l’idée que les femmes trans chercheraient à infiltrer les espaces réservés aux femmes, les présentant ainsi comme des menaces potentielles. Cette rhétorique, qui assimile les femmes trans à des agresseurs, a contribué à alimenter les arguments des féministes radicales trans-exclusives (TERFs).
Pour les TERFs, l’identité transgenre est souvent perçue comme une construction sociale, une pathologie mentale ou une stratégie politique. Cette dernière perspective est particulièrement significative, car elle construit une narration selon laquelle la communauté trans agirait comme un agent de conversion, cherchant à « transifier » les enfants, à imposer des transitions de genre et à revendiquer des droits spécifiques qui, selon elles, porteraient préjudice aux femmes cisgenres. Cette rhétorique a des implications concrètes, comme en témoignent les tentatives dans 32 États américains de promulguer des lois excluant les athlètes transgenres des équipes sportives scolaires, sous prétexte de protéger les intérêts des femmes cisgenres. Ces débats sont souvent influencés par des figures comme le généticien Dr. Eric Vilain, qui conseille le Comité International Olympique (CIO) sur ces questions.
En somme, ces discussions mettent en lumière les tensions complexes entre les droits des personnes transgenres et les revendications féministes, tout en soulignant la nécessité d’une approche inclusive et intersectionnelle dans l’analyse des privilèges et des oppressions.
Les violences à l’encontre des femmes cisgenres et transgenres : une analyse systémique
Les études féministes ont largement démontré que les violences exercées à l’encontre des femmes s’inscrivent dans un cadre systémique, structuré par une organisation sociale patriarcale. Ces violences, bien que partagées par les femmes cisgenres et transgenres, prennent des formes spécifiques lorsqu’elles concernent les femmes transgenres. Ces dernières sont en effet confrontées à des oppressions multiples, à la fois en tant que femmes et en raison de leur identité de genre. Parmi ces violences spécifiques, on observe :
• Une cible genrée : les femmes transgenres sont visées en tant que femmes, mais elles subissent également des violences supplémentaires liées à leur transidentité.
• Une minimisation institutionnelle : les crimes commis contre les femmes transgenres, notamment les meurtres ou les violences à l’encontre des travailleuses du sexe, sont souvent traités avec moins de sérieux par les médias et les autorités, reflétant une hiérarchisation des vies et une marginalisation systémique.
• Une vulnérabilité accrue : les femmes transgenres sont exposées de manière disproportionnée aux violences verbales, domestiques (par exemple, la crainte de perdre la garde d’un enfant) et économiques, en particulier dans le contexte professionnel.
Les revendications communes en matière de santé et de droits reproductifs
Les luttes des femmes cisgenres et transgenres convergent autour de la revendication d’une autonomie corporelle et d’un accès équitable aux soins de santé. Ces revendications communes incluent :
• L’autodétermination corporelle : tout comme les femmes cisgenres revendiquent le droit à l’avortement, les femmes transgenres exigent le droit de disposer de leurs organes reproducteurs et de bénéficier de transitions médicales sûres et accessibles.
• L’accès aux soins de santé : les deux groupes partagent des préoccupations similaires concernant la sécurité, le coût et la disponibilité des traitements hormonaux et autres interventions médicales.
• L’exclusion historique : dans les années 1980, les lesbiennes ont été exclues de certains mouvements pro-choix, soulignant que les enjeux de liberté reproductive ne se limitent pas aux seules personnes hétérosexuelles ou cisgenres.
• La pathologisation des corps : tout comme les expériences corporelles des femmes cisgenres (menstruations, grossesse, ménopause) ont été historiquement médicalisées, les personnes transgenres subissent une pathologisation de leur identité de genre, souvent réduite à un trouble mental dans les discours médicaux et sociaux.
Les tensions au sein des mouvements féministes
Les débats internes au mouvement féministe révèlent des tensions entre différentes approches théoriques et politiques. Ces tensions se manifestent notamment autour des questions suivantes :
• L’essentialisme : une vision essentialiste du genre, qui postule une essence féminine universelle, risque de reproduire des hiérarchies oppressives en excluant les expériences des femmes transgenres et d’autres groupes marginalisés.
• L’assimilationnisme versus l’anti-assimilationnisme : cette division interne au féminisme oppose celleux qui cherchent à intégrer les normes sociales dominantes et celleux qui rejettent ces normes au profit d’une transformation radicale de la société. Ces divisions, loin de servir la cause féministe, renforcent les structures patriarcales, traditionalistes et ultralibérales.
Transféminisme et intersectionnalité : enjeux et débats
Le transféminisme, courant féministe qui intègre les perspectives transgenres, s’inscrit souvent dans une approche intersectionnelle. Cette approche reconnaît que les personnes transgenres subissent simultanément plusieurs formes d’oppression, telles que le sexisme, la transphobie, le racisme ou le validisme. Cependant, l’affiliation du transféminisme à l’intersectionnalité n’est pas sans controverse. Elle fait l’objet de débats au sein des mouvements féministes et LGBTQIA+, où certain.es questionnent la compatibilité des luttes ou la priorisation des enjeux.
Conclusion
L’inclusion des perspectives transgenres dans le féminisme est essentielle pour déconstruire les normes patriarcales et promouvoir une société véritablement inclusive et égalitaire. En reconnaissant les spécificités des expériences transgenres tout en soulignant les luttes communes, le féminisme peut s’affirmer comme un mouvement capable de répondre aux défis complexes posés par les systèmes d’oppression multiples. Cette approche nécessite toutefois une vigilance constante contre les divisions internes et une volonté de remettre en question les structures de pouvoir qui perpétuent les inégalités.
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