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Dans le numéro d'avril 1925 de L'Idée libre (un beau titre !), l'anarchiste anticlérical André Lorulot réagit à la naissance en France la revue Inversions, occasion pour le militant de faire connaître son point de vue sur l'homosexualité. 
L'auteur présente la revue en quelques lignes, soulignant qu'elle milite pour qu'on ne considère plus l'homosexualité « comme une passion contre nature », tout en se disant exclusivement destinée aux hommes. 
Lorulot compare la revue « pleine de timidité et de réticences » au formidable mouvement homosexuel allemand décrit dans plusieurs articles par une autre revue, Le Mercure de France. L'homosexualité y est dépeinte comme omniprésente dans les villes d’outre Rhin, les homosexuel.les hommes ou femmes étant regroupé.es dans une Confédération, sans oublier « leurs conférenciers » dont « le Dr Hirschfeld [qui] a parcouru l'Allemagne, recueillant du reste plus de coups que d'applaudissements ». Le médecin juif homosexuel et sexologue Magnus Hirschfeld connaît alors une renommée grandissante dans l’Allemagne de la République de Weimar, mais également de plus en plus à l’étranger ; il subit régulièrement les pressions et les assauts des nazis, des nationalistes et des conservateurs allemands.
Lorulot se montre très dur à l'égard des homosexuels, qu’il qualifie « d’anormaux, de cas pathologiques, de malades ». Il reproduit des petites annonces présentes dans la presse homosexuelle allemande, pour mieux déconsidérer leurs auteurs. Le fondateur de l’Idée libre dénonce néanmoins leur criminalisation par le biais du paragraphe 175 allemand, à l'origine de chantages notamment. 
Si l’homosexuel est un « malade », Lorulot met en garde contre la « propagande pédérastique s’adressant à des êtres sans volonté, ou désemparés, ou privés de rapports sexuels normaux », car « à côté de l’inverti-né, il existe une foule d’individus qui ont été gangrenés et corrompus au contact des pédérastes avoués ». Ritournelle de l’homosexuel corrupteur mettant en grave danger la « civilisation ».
L'auteur demande qu'on ne réprime pas les homosexuels, mais qu'en contrepartie ils restent discrets et fassent le nécessaire pour « arriver à guérir la tare dont ils souffrent. Ce serait un but digne de l'actualité de tous les savants, les psychothérapeutes, des magnétiseurs, des psychiatres, de chercher le moyen de guérir l'inversion. Cela ne doit pas être impossible. Rendons à la vie normale, à la volupté amoureuse naturelle et vraie, tous ces malheureux invertis, ces barbons ridicules, débitant des fadaises à de jeunes collégiens, ces hommes échangeant entre eux des baisers et des caresses écœurantes, alors que la femme demande à être aimée éperdument et que la vie nous appelle pour le bonheur et pour la joie ».
Voilà une triste manière de concevoir "L'idée libre"... On peut être politiquement radical, se dire anarchiste, tout en prônant des conceptions profondément conservatrices et donc homophobes, hétéronormatives et sexistes. 
L’article porte un post-scriptum : alors que L’Idée libre est sous presse, Lorulot apprend qu’Inversions est l’objet de poursuites judiciaires « fructueuse réclame sans doute pour lui ». 
Inversions, première revue à défendre ouvertement l’homosexualité en France (Akademos en 1909 se montre bien moins frontale, c'est peu dire !), naît le 15 novembre 1924. Elle fait rapidement l’objet d’une enquête et deux de ses fondateurs, de jeunes provinciaux, seront condamnés le 20 mars 1926 « à six mois d'emprisonnement et à deux-cents francs d'amende par la 12e chambre correctionnelle du tribunal de 1re instance du département de la Seine [pour outrages aux bonnes mœurs et propagande anticonceptionnelle]. Après deux appels, le pourvoi en cassation est rejeté le 31 mars 1927 : Beyria et Lestrade feront trois mois de prison ferme ». (wikipedia) 
Une écœurante répression pour ces pionniers du mouvement homosexuel en France.

G.

Ci-dessous, l'article de Lorulot dans son intégralité :

« L’Idée libre » de l’anarchiste André Lorulot, contre la revue homosexuelle « Inversions »
« L’Idée libre » de l’anarchiste André Lorulot, contre la revue homosexuelle « Inversions »
« L’Idée libre » de l’anarchiste André Lorulot, contre la revue homosexuelle « Inversions »
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