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Dans la moiteur accablante d'un village argentin, où les traditions ancestrales et la ferveur religieuse s'entremêlent de manière inextricable,  Almamula nous plonge au cœur d'un récit initiatique d'une intensité poignante. Nino, un jeune garçon à l'aube de sa puberté, voit son exploration naissante de la sexualité masculine violemment réprimée par une société pétrie de préjugés et de tabous. Les premières minutes du film nous happent par une scène d'une violence crue et bouleversante. Nino est sauvagement agressé par ses camarades de classe. Les insultes homophobes lacèrent l'air, les coups pleuvent, et l'humiliation atteint son paroxysme lorsque Nino est jeté dans une benne à ordures. Cette séquence inaugurale, insoutenable et déchirante, établit d'emblée l'atmosphère pesante du film et la réalité brutale de l'homophobie à laquelle Nino est confronté. 
Contraint à un exil forcé, orchestré par une mère aimante mais pétrie de convictions religieuses, Nino cherche refuge dans la quiétude trompeuse de la campagne. Mais même dans cet écrin de nature sauvage, l'ombre de l'oppression le poursuit. Les légendes locales, dont celle de l'Almamula, créature mythique qui punit les "péchés de la chair", deviennent le réceptacle des angoisses et des interdits qui entravent son épanouissement et la forêt, le théâtre des peurs et des fantasmes de Nino.

Le film articule plusieurs enjeux : la culpabilité religieuse, l’homophobie systémique, et la marginalisation des minorités. L’Almamula, légende réinterprétée par le réalisateur, incarne à la fois la violence des normes sociales et une possible libération pour celleux que la société rejette. Loin d’être un simple monstre, elle devient une allégorie des peurs internalisées et des désirs refoulés, reflétant le combat intérieur de Nino entre autodestruction et émancipation. La forêt, à la fois menaçante et protectrice, sert de décor à cette dualité, évoquant un espace liminal où se jouent les conflits entre tradition et individualité. L’esthétique, mêlant iconographie religieuse et éléments naturels souligne l’oppression autant que la résilience. Les scènes de violence, notamment l’agression initiale de Nino, bien que brutales, servent de catalyseur narratif, ancrant le film dans une réalité sociale encore prégnante en Argentine.
En arrière-plan, Almamula aborde subtilement des problématiques écologiques (déforestation, conditions climatiques extrêmes) et socio-économiques, reflétant l’isolement des communautés rurales. Ces éléments, bien que secondaires, enrichissent le contexte du récit, soulignant comment les injustices environnementales et les inégalités se superposent aux luttes identitaires.
Même si l’esthétique contemplative et poétique risque de déstabiliser un public peu habitué ou réfractaire aux ambiances  symbolistes, on vous conseille vivement ce film.

S..
Post-scriptum : Au lendemain de la victoire de Javier Milei (libertarien d'ultradroite) aux élections présidentielles de 2023, un silence lourd de craintes enveloppe la communauté LGBT argentine car on pressent que les politiques à venir la désignera comme une cible. Si le nouveau président se défend de toute opposition au mariage pour tous et aux transidentités, pourvu qu'on ne lui en « présente pas la facture », les ombres d'une droite latino-américaine conservatrice planent, laissant craindre un avenir où les droits, chèrement acquis, pourraient être remis en question. Pour exemple, Diana Mondino, ministre des affaires étrangères a comparé l'homosexualité au choix « d'avoir des poux ».

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