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Il est une heure où le jour rencontre la nuit, « C'est une heure incertaine, c'est une heure entre deux / Où le ciel n'est pas gris même quand le ciel pleut », chantait Françoise Hardy.  C’est l’heure bleue.
“In Moonlight Black Boys Look Blue” est le titre de la pièce de théâtre dont le film est l’adaptation. Le bleu est la couleur des berges intimes de Chiron, la couleur de sa quête d’identité.
Cette quête d’identité est décrite en trois actes, trois périodes de la vie du personnage principal…

Miami.
Acte 1 : Chiron est un jeune adolescent introverti, souffre-douleur du collège, vivant avec sa mère Paula, toxicomane. Un soir qu’il tente d’échapper à un lynchage, il est recueilli par Juan, trafiquant de crack (dealer de sa mère). Ce dernier l’autorise à passer la nuit chez lui. Petit à petit, un lien filial se noue entre Juan et Chiron, mais aussi entre Chiron et Theresa, la compagne de Juan. Ce dernier guide Chiron dans son chemin de vie et le rassure sur ses attirances, lui expliquant qu’être homosexuel n’a rien d’anormal.
Acte 2 : Nous retrouvons Chiron au sortir de l’adolescence. Sa vie est toujours aussi compliquée entre une mère qui se prostitue pour assurer sa dépendance au crack et Terrel, un élève de sa classe, qui le harcèle. Dans tout ce sombre, Theresa est une lumière, qui continue à l’accueillir depuis le décès de Juan. Tout comme Kevin, un camarade de classe. Un soir, après avoir fumé un joint sur la plage, à l’heure bleue, celui-ci le masturbe. Malgré cette complicité amoureuse, Kevin participe à un bizutage orchestré par Terrel et bat Chiron, qui refusera de porter plainte. Il se rebellera le lendemain contre Terrel, et l’agression le mènera à la prison pour mineurs.
Acte 3 : Adulte, Chiron s’est installé à Atlanta et est devenu trafiquant à son tour. Sa vie reste très solitaire, entre de rares visites au centre de désintoxication où sa mère se fait soigner et la gestion de son florissant « business ». Il survit comme il peut, toujours en quête de son identité. Kevin est devenu père et occupe un emploi de cuisinier dans un diner. Une chanson passée au jukebox le pousse à recontacter Chiron et à l’inviter à passer le voir à Miami si l’occasion se présente. Cet appel mène Chiron vers une nouvelle étape dans son chemin de vie : il fait la paix avec sa mère, qui reconnait ses carences affectives et la non-compréhension des attirances de son fils. Puis il se rend à Miami pour retrouver Kevin et lui avouer qu’il n’a eu aucune autre expérience sexuelle depuis ses caresses sur la plage de leur adolescence. Les deux amis s’étreignent… L’enfant sur la plage peut enfin se relever…à l’heure bleue.

Premier long métrage au casting entièrement noir à remporter l’oscar du meilleur film, il est indéniablement une grande réussite. Une réussite esthétique tout d’abord avec l’utilisation de trois procédés de captation de l’image pour les trois actes du film, de la lumière qui est un personnage à elle seule (extraordinaire travail de James Laxton) , dans la manière de filmer les déplacements, les expressions, les silences… Une réussite dans la performance des acteurs, auréolés d’une pluie de récompenses. Une réussite dans la finesse du ton, qui peut parfois décontenancer tant le réalisateur a truffé son film de subtils détails. La pudeur avec laquelle est filmée la quête identitaire de Chiron est bouleversante.
La poésie et la grâce du propos adoucissent la violence des situations. La violence est en effet omniprésente. Une violence « géographique », celle de Liberty City, un quartier pauvre afro-américain de Miami où le crack fait des ravages. Une violence liée à l’homophobie et à la représentation de la masculinité dans la communauté afro-américaine.
A voir sans réserve…rien que pour l’époustouflante scène finale.

S..

(DVD présent à la Médiathèque de Saint-Quentin)

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