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Howard Cruse a fait sa carrière aux Etats-Unis comme dessinateur d’humour pour la presse et auteur de Comics underground. Cette bande dessinée, très différente de son travail habituel, a été publiée pour la première fois en 1995, traduite en plusieurs langues, abondamment rééditée depuis et primée à plusieurs reprises. Il s’agit d’une BD au long cours, plus de 200 pages à la narration serrée et foisonnante. L’auteur dépeint la vie de Toland, un jeune homme à peine sorti de l’adolescence dans l’Amérique des années 1960. Enfin, pas n’importe quelle Amérique, puisque l’histoire se situe dans une petite ville du Sud, encore fortement marquée par le ségrégationnisme et… l’homophobie.
Toland se cherche, peine à admettre son homosexualité. Élevé par des parents fort croyants dans un monde hétéronormé et raciste, le jeune blanc apprend très tôt à rejeter son attirance pour les garçons et à construire un mur entre lui et les afro-américains. Un double mur que sa fin d’adolescence va peu à peu fissurer, au fil de rencontres amicales et amoureuses.
Par sa sensibilité, Toland se lie peu à peu à tout un milieu intégrationniste, se confronte régulièrement au racisme et au rejet de l’homosexualité dans une ville blanche dominée par une police brutale, un Ku Klux Klan actif et criminel, une ville dans laquelle bouillonne également une jeunesse certes minoritaire, mais travaillée par toutes ces questions et qui refuse le fait établi. Toland chemine dans différents univers : l’Université, l’Église, les quartiers noirs ou blancs, les manifestations non violentes pour la reconnaissance des droits civiques, les lieux de sociabilité gays ou communautaires, découvre le jazz, la complexité du monde et son inhumanité, tout en explorant sa propre personnalité, cultivant en vain son désir de devenir hétéro dans une époque fort peu accueillante pour les minorités.
Howard Cruse entoure Toland de personnages touchants, sympathiques, atypiques, femmes ou hommes aux personnalités fortes, noirs, blancs, gays, lesbiennes, hétéros, un melting pot soudé par de vives amitiés et le sentiment d’appartenir à une même humanité. Un melting pot dans lequel la conscience sociale et politique sert de ciment, de nourriture, de boussole et assure à chacun.e une place malgré le chaos qui règne et écrase la société de son talon de fer.
On peine à lire les dernières pages de Stuck Rubber Baby, anxieux à l’idée de devoir quitter cet univers révoltant, émouvant, triste, réjouissant et attachant à la fois, une BD que l’on ne voudrait jamais terminer. En fin d’ouvrage, Howard Cruse raconte la genèse de cette Bande Dessinée qui a nécessité quatre ans de travail et évoque les liens entre l’histoire de Toland, de cette Amérique raciste et homophobe des années 1960 et son histoire personnelle.
Une BD incontournable et inoubliable !

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