Eldorado – le cabaret honni par lez nazis
De la fin du 19e siècle au milieu des années 1930, Berlin a été un haut lieu de la culture homosexuelle et « queer » européenne, sinon mondiale. Cabarets, boites en tous genre, restaurants, accueillaient gays, lesbiennes et personnes trans venues parfois de loin. Le docufiction qu’on peut regarder sur Netflix évoque un des lieux les plus fameux de cette Allemagne insouciante. Malgré le paragraphe 175 du code pénal qui condamne l’homosexualité, imposé à tous les länder par Bismark en 1871, l’homosexualité et la transidentité ont leurs militant.e.s, leurs théoricien.ne.s, et donc leurs lieux de plaisir dans une Allemagne qui va devenir un enfer pour les communistes, les Juifs, les syndicalistes, les homosexuels et tant d’autres, à partir de l’accession de Hitler au pouvoir.
Le docufiction suit une série de personnages dont la plupart se sont croisés dans ce fameux cabaret, arpenté par le célèbre médecin Magnus Hirschfeld, et également, mais à l’opposé de l’échiquier politique, par le nazi Ernst Rhöm, le chef des SA. Lesbiennes, gays, trans, couples de personnes bi.e.s, amours libres, tennisman renommé, actrices, peintres... A travers divers destins, le film permet d’entrevoir la richesse de cette vie queer bientôt ravagée par les nazis. L’Eldorado ferme en 1933 et devient un centre de propagande à la botte de Hitler, les un.e.s et les autres se cachent, fuient et réussissent parfois à partir à l’étranger, sont envoyé.e.s pour certain.e.s dans des camps, aux côtés des Juifs, qui seront exterminés par millions.
Comme dans le film « Great freedom », l’après-guerre n’est pas oublié : au début des années 1950, le tennisman, connu internationalement mais qui avait au milieu des années 1930 pris ses distances avec les nazis, tente de faire supprimer de son casier judiciaire sa peine d’un an de prison (pour homosexualité), purgée avant-guerre. Les juges de la nouvelle Allemagne « libre » et « démocratique » lui refusent cette faveur, qui lui aurait permis de reprendre une carrière internationale. Le paragraphe 175 réprimant l’homosexualité est toujours en vigueur et le restera jusqu’en 1969…
Le docufiction émouvant, tragique, et très intéressant, questionne en conclusion la fragilité des droits des minorités, et les possibles retours en arrière.
A voir !
G.