Publié par

Bent est un film britannique réalisé par Sean Mathias , sorti en 1997. Son action se situe en Allemagne sous le régime nazi, mais le tournage du film a eu lieu, pour l'essentiel dans une carrière et une usine désaffectée du Royaume-Uni, à Dalmellington, dans l'Ayrshire. 

Synopsis : Après une nuit de tous les plaisirs au cœur du gay Berlin, Max se réveille avec un beau SA dans les bras, au grand dam de son compagnon Rudy. Des SS débarquent et égorgent l’amant d’un soir tandis que Max et Rudy prennent la fuite. Abandonnés par tous, ils traversent cette Allemagne qu’ils n’ont pas vu devenir nazie. Max tente de se faire aider par un oncle, homosexuel marié et discret, qui ne peut hélas rien pour Rudy. Les jeunes gens ne se quitteront pas et travaillent comme cantonniers non loin de la frontière. Mais Rudy parle trop, ils sont arrêtés. Dans un train qui les conduit vers le camp de Dachau, Max doit frapper Rudy dont la dépouille est jetée hors du wagon. Il doit ensuite prouver de la plus horrible manière qu’il n’est pas homosexuel, afin de revêtir l’étoile jaune des juifs. Il évite ainsi le triangle rose des homosexuels. Décidé à survivre, il se lie à Horst. Au fil du temps et malgré leur situation ils arrivent à vaincre toutes les barrières et à s’aimer sans jamais se toucher. Mais la maladie les rattrape et Max s’ingénie à aider Horst. Geste fatal qui le conduira pourtant à la révélation d’un sentiment indestructible. 

Bent est un film qui ne peut laisser indifférent, où l'horreur et l'amour se côtoient. C'est un pari osé que de filmer la découverte du sentiment amoureux dans un camp de concentration. Tout le long du film, à l'ignominie, la cruauté et l’absurdité des camps répondent l'humanité, la volonté et l'amour.
À travers le parcours de Max, on nous montre la volonté des nazis de déshumaniser les personnes homosexuelles : dans le train, Max doit renier et frapper son amant, dont la dépouille sera jetée hors du wagon ; pour prouver qu'il n'est pas homosexuel, il doit violer le cadavre d'une jeune fille de treize ans. Une fois arrivé à Dachau, on le cantonne à un travail absurde et abrutissant, déplacer sans but des tas de cailloux, dans des conditions extrêmes.
Et pourtant, cette tentative de déshumanisation échoue ; bien au contraire, Max s'humanise de plus en plus en laissant parler ses sentiments, en découvrant l'amour et en assumant son homosexualité à la fin du film. À l'horreur de toutes les épreuves endurées s'opposent la découverte d'un sentiment amoureux plus épuré et la découverte d'une sensualité jusque là inconnue : lors d'une pause, alors qu'ils doivent se tenir au garde à vous, Max et Horst vont réussir à se faire l'amour sans se toucher ! Cette scène est un véritable moment de grâce, et à mon sens, le point fort du film. C'est cette relation profonde et intense qui leur permet de rester humains.

Rose ou jaune ? Dans le train, Max choisit  l'étoile jaune, reniant ainsi sa condition et espérant adoucir le traitement de ses geôliers. Ce choix évoque avec puissance  la ségrégation et le martyre dans l'Allemagne nazie des homosexuels, qui bien souvent préféraient se faire passer pour juifs, plutôt que de porter le triangle rose réservé aux homosexuels. 
Si le contexte historique est important, c'est notamment la Nuit des Longs Couteaux qui va être l'élément déclencheur du parcours de Max, ce film n'est pas à regarder comme une œuvre historique ni comme un témoignage. C'est une œuvre d'amour, amour qui bafoue l'autorité homophobe.
Ce qui éloigne encore plus ce film d'une dimension documentaire, c'est son aura particulière qui vient du fait qu'il s'agit de l'adaptation d'une pièce de théâtre. Ce côté théâtralisé est conservé, notamment grâce aux décors : une carrière et une usine désaffectée deviennent aussi bien une ville comme Berlin qu'un camp de concentration ! La carrière donne d'ailleurs une dimension métaphorique puissante à l'absurdité monstrueuse des camps et du nazisme.
Ce film est donc inspiré de la pièce de théâtre du même nom de Martin Sherman, créée en 1979 et jouée par Ian McKellen pour le rôle de Max et Tom Bell pour le rôle de Horst. La pièce a été reprise à Broadway par Richard Gere (Tony Award de la meilleure pièce) et a été régulièrement jouée en Europe (meilleure pièce Molière 2002). Dernière création en 2020.

Le titre fait référence au mot argotique "bent" utilisé dans certains pays d’Europe pour désigner les homosexuels. En 1979, on  parlait encore peu de la persécution des homosexuels dans l'Allemagne nazie. La pièce a, en quelque sorte, aidé à lever le voile sur le sujet. Pour l'anecdote, on retrouve Ian McKellen, qui  y tient le rôle de l’oncle de Max, homosexuel qui mène une vie plus calme que son neveu et qui tente de l’aider, et Mick Jagger nous gratifie d’un numéro de Drag Queen succulent (mais pas que).

Pour clore cet article, je voudrais suggérer un téléfilm français de 2006 : Un amour à taire, de Christian Faure, qui évoque la déportation des homosexuels durant la Seconde Guerre Mondiale et qui s'inspire, entre autre, du livre de Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel.

JM

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article