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Les religions sont fâchées avec le sexe, le plaisir et plus encore tout ce qui s’écarte de l’hétéronormativité. Fâchées avec l’homosexualité notamment.
Nombre de films explorent cette thématique, au travers de la triste et révoltante réalité des thérapies de conversion notamment. « Tu n’aimeras point » s’intéresse à un autre aspect de la question.
Ces quelques mots rappellent bien sûr le décalogue et ses dix « commandements » dont le plus fameux invite à ne pas tuer. On sait à quel point les clergés ont respecté cet interdit. Le « Tu n’aimeras point » se doit d’être complété par « de personnes de même sexe ».
Car l’amour est au cœur des grandes religions. L’amour pour se reproduire dans le cadre familial bien évidemment. En dehors de cet objectif, point de salut.
Tu n’aimeras point s’ouvre sur l’errance d’un jeune juif religieux dans un quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem. Ezri (Ran Danker, acteur et chanteur ouvertement bi dans la vraie vie) semble chercher dans la capitale une école religieuse, une yeshiva. En fait, c’est plutôt un ancien amoureux fuyant qu’il espère retrouver, religieux lui aussi. Dans cette quête difficile sinon impossible, Ezri croise les pas d’Aaron, religieux modèle, marié et père de nombreux enfants, responsable d’une boucherie casher que son père, récemment décédé, lui a léguée. Aaron tient une place de choix dans la communauté, il participe à la vie religieuse du quartier et jouit de la confiance de ses pairs. Tout comme son père, c’est un « juste ».
Pour faire tourner la boutique en l’absence de son père et par sens de l’hospitalité, Aaron embauche Ezri et comprend rapidement, la rumeur l’y aidant, que le jeune religieux pose problème.
Le film pose donc la question de l’homosexualité dans cet univers imprégné de religiosité mais également de contradictions, révélées par les innombrables séances de commentaires de la torah, dans une communauté dans laquelle le rabbin tient lieu de guide suprême. Si dieu a créé les hommes à son image, difficile de rejeter l’un d’eux, quel qu’en soit le prétexte. Dieu n’a-t-il pas dit que le repentir effaçait tous les pêchés passés ? 
Dans un premier temps, Aaron se montre compréhensif, pédagogue même : dieu a pourvu les humains du moyen de résister, de surmonter d’éventuelles attirances coupables et, à travers cette résistance aux pulsions, de s’élever. 
Jusqu’à un certain point…
Car Aaron lui-même succombe à son tour et entame une double vie, subissant des pressions de plus en plus soutenues et publiques de la part de ses amis, prêts à rendre justice eux-mêmes ou à faire appel à une milice religieuse aux méthodes radicales. Aaron résiste, il « revit ». La mort de son père a peut-être libéré une forme d’autocensure. Cette relation donne un nouveau sens à sa vie, après des décennies de rejet de sa propre homosexualité.
Le film s’intéresse à cette rencontre et à l’effet bénéfique qu’elle entraine sur Aaron. Le réalisateur oppose deux mondes, celui du quartier orthodoxe aux ruelles étroites et « confinées », à la nature environnant Jérusalem, paysages ouverts sur l’horizon, dans lesquels les deux hommes prennent un bain rituel, Ezri totalement nu, « libre » et impudique, tous les deux retirant une très grande joie de ce bain de purification pris en commun. 
Le film ne s’arrête pas à cette problématique du rejet personnel ou collectif de l’homosexualité et à la difficulté, voir à l’impossibilité d’une telle orientation sexuelle au sein de l’ultra-orthodoxie religieuse. Il montre également combien la communauté surveille et contraint les relations humaines, décide de marier ou de séparer telles ou telles personnes au nom du droit tout puissant des pères de faire régner « l’ordre » moral, religieux et social. Une jeune femme et son compagnon en font brutalement les frais. La communauté ne badine pas avec la liberté amoureuse… 
Et la communauté est toujours ou presque la plus forte. 
L’orthodoxie n’est pas seule en cause. Tout cela nous rappelle que cette pression constante, oppressive et désastreuse de la norme hétérosexuelle, mais aussi de la loi des pères sur nos sociétés, va bien au-delà des communautés religieuses.

G.

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