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De Rubens, on salue les nus féminins comme une célébration des corps voluptueux. Pourtant, ce dernier qualifiait de «débile » le physique des femmes de son époque. 
Après le diktat de la minceur (toujours omniprésent dans notre société), l’acceptation de soi au travers du body positive est devenu la nouvelle injonction et crée de nouveaux complexes. Il faut s’accepter « comme on est ». Le corps est pensé par les féministes comme le point de départ du système patriarcal. L’(ré)appropriation de leur corps par les femmes, le droit à en disposer, à en jouir ont été durement gagnés. Ne pas célébrer son corps devient alors une insulte à ces luttes et une assignation à la domination des hommes. 
Assigné.e… assigné.e au regard d’une société faussement inclusive qui malgré quelques efforts continue de célébrer la minceur. La corporalité rimant souvent avec moralité, les gros.se.s se laissent aller et manquent de volonté. 

En marge du discours sur l’acceptation de soi, Eli San, militante féministe canadienne, livre dans cet essai une exploration de son corps, de ce corps devenu prison dont on ne sort jamais. Le corps qui pousse à la haine de soi et renforce les inégalités de genre. 

Chacun.e d’entre nous s’accorde à reconnaitre la suppression de la bipolarité entre corps et esprit pour une vision globale de l’individu. Le corps des femmes (et certainement aussi des hommes mais dans une moindre mesure) reste souvent la propriété de celleux qui posent leur regard sur celui-ci. Mens sana in corpore sano ? Pour beaucoup d’entre nous, l’équation est plus complexe. 

Eli San hurle les difficultés de son quotidien, sans fard : se rendre à la piscine, se montrer, choisir des vêtements, se mouvoir, la transpiration, les échauffements, les regards, la sexualité… Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause les discours de celleux qui revendiquent leur corps, qui l’assument avec fierté. Mais rappeler que le corps « hors les normes » n’a que le choix de répondre soit à l’injonction de la minceur, soit à celle du body positive. 
Et l’injonction du « bien aller » dans tout cela ? Comment résoudre cette équation lorsque le corps devient la variable indésirable entre moi et les autres ? 
Comment s’aimer lorsque le corps rend aveugle ? Un corps que l’on n’ose plus regarder, qui disparait sous des vêtements amples, formes fantômes qui n’illusionnent personne.
Comment s’aimer sans être touché.e, caressé.e ? 
Pour Eli San, la nourriture a été comme un succédané au vide affectif de l’enfance, une enfance passée à essayer d’être cette enfant « inatteignable » dessinée par son père (le patriarcat déjà…) et au traumatisme d’abus sexuels.

Pour aller mieux, il suffirait de perdre du poids ? Un conditionnel ne conditionnant nullement au repos de l’esprit, malheureusement. 
Alors Eli San invite à la réappropriation du corps par le miroir. Retrouver une grammaire (ou en inventer une) où le corps ne serait plus complément mais sujet. 
Un sujet qui restera cependant inféodé au miroir de la société…

Sans apporter de réponse à la douloureuse question de l’acception de soi, cet essai a le mérite de montrer que le body positive, que l’auteure ne dénonce ni ne remet en cause, est parfois une double peine pour celleux qui peinent à emprunter ce chemin : culpabilité d’être hors les normes, culpabilité de ne réussir à bien vivre malgré tout.
Une voix dissonante qu’il est nécessaire d’entendre. 

À lire !

S..

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