Jour de courage, de Brigitte Giraud, 2019

Il faut en avoir du courage. Livio, lycéen en terminale en France, a choisi d’évoquer lors d’un exposé en classe le parcours d’un certain Magnus Hirschfeld, médecin juif, allemand et… homosexuel, dont l’Institut de sexologie a été mis à sac par de jeunes hitlériens quelques semaines après l’accession de Hitler au pouvoir en 1933. Le directeur de l’Institut est alors envoyé en camp de concentration, alors que Magnus échappe aux nazis, étant en tournée de conférences à l’étranger. Point d’orgue de cette répression homophobe, un double autodafé des livres et photos du trésor que constituait la bibliothèque de cette structure inédite et originale, fondée en 1919 à Berlin, dans un pays qui, depuis 1871 (et avant dans certains Länder), condamne les hommes homosexuels à la prison.
Livio s’est toujours senti différent, mal à l’aise, depuis l’enfance contraint de jouer un rôle qui n’est pas le sien. Une incompréhension sourde, un étranger parmi les siens. Un étranger dans cette famille d’origine italienne, auprès de ses ami.es et notamment de la meilleure d’entre-elles, Camille. Entre les non-dits, les injonctions à une masculinité stéréotypée et les expressions homophobes, quelle place pour Livio ? Quel chemin d’accomplissement ?
L’exposé constitue les 4/5e de ce roman étrange. Sans dialogues traditionnels, sans action ou presque. Un roman aux longs développements documentaires sur une Allemagne pionnière autant que réactionnaire, une Allemagne dans laquelle des personnes courageuses ont osé braver les normes sexuelles, braver les interdits de genre, affronter le rouleau compresseur d’une morale étriquée hérissée de barbelés et de hauts murs.
Des décennies plus tard, c’est Livio qui se révèle à lui-même et à la classe au fil de cet exposé chaotique, décousu, dramatique et poignant.
Roman initiatique qui, dès ses premières lignes annonce une fin tragique. Dans cette jeune vie de Livio, aucune épaule sur la quelle s’appuyer, aucune oreille à qui se confier, nulle empathie, le désert et la solitude. 
Qu’est devenu Livio, disparu quelques jours après avoir courageusement redonné vie à ce Magnus Hirschfeld à qui les personnes lgbtqia+ doivent tant ?

Ce roman s'inscrit dans une redécouverte de Magnus Hirschfeld en France. Une figure originale et pionnière de la lutte lgbt+ comme il n'en existe pas en France à la même époque.

G.