Afro Trans, ouvrage collectif de Michaëla Danjé
Au croisement étoilé de la négritude et de la transidentité, l’accidentelle et lumineuse poésie de nos vies lancée au monde.
AfroTrans est un ouvrage collectif coordonné par Michaëla Danjé, femme trans noire et co-fondatrice de Cases Rebelles, un collectif luttant contre toutes formes de discriminations d’un point de vue afro centré.
Publié en 2021, cet essai rassemble textes, interviews, poèmes et fictions, écrits par 14 contributeur.rices trans noir.e.s, vivant pour la plupart en France, un chant polyphonique aux voix parfois divergentes mais toujours vibrantes des expériences transnationales.
S’écartant des récits dominants occidentaux des transidentités, cet ouvrage hybride donne la parole à des personnes trop souvent invisibilisées et montre la diversité de leurs expériences. Les récits explorent des thèmes variés : récits de trajectoires de vie, genre et sexualité, questionnements sur les liens familiaux et la transmission, engagement politique et artistique, transphobie même au sein des communautés LGBTQIA+, ou encore spiritualité.
En mêlant les formes, les auteur.istes s'affranchissent du carcan « institutionnel » et s'autorisent à refléter la multiplicité du réel dans toute sa nuance : journal intime, témoignage, poésie en langue malgache ou en créole.
Cette anthologie inédite donne à voir toute la puissante du collectif qui s’exprime : les récits se font écho, la parole est en perpétuel mouvement dans la tradition africaine des « cercles d’oralité ». Néanmoins, la narration échappe à toute essentialisation mais rappelle combien la situation des personnes trans racisé.es – qui plus est des femmes trans racisées – illustre l’intersectionnalité des oppressions.
Michaëla Djambé rappelle que cette puissance du « dire ensemble » est l’héritage de l’esclavage, de la résistance collective face à l’oppression coloniale. Une colonisation d’ailleurs, qui a réprimé l’expression des sexualités et du genre s’éloignant de la norme comme l’attestent de nombreux documents.
Iels se nomment Véli, Sika, Michaëla, Lasseindra, Lily, Kuchenga, Mickaël, Louïz, Kellysha, Joao, Mon-Ink, Hélène ou encore Blxck et leurs voix trans nous émeuvent, nous font sourire, nous enchantent, nous interpellent…
Un des récits les plus prégnants est peut-être celui de Sofiane, musulman soufi et trans parent de deux enfants. Il évoque les discours culpabilisants par rapport aux enfants, les discours transphobes et racistes même au sein de la communauté LGBT. Il raconte le déplacement de ses peurs. Assignée femme, l’espace public représentait le danger d’agressions sexuelles. Après sa transition FtM, c’est la peur de la violence policière qui prédomine dans cet espace.
Il fait aussi allusion à la perte de certains privilèges réservés aux femmes « noires » (même si elles en ont peu). C’est par exemple la suspicion permanente qu’il ressent autour d’une hypothétique violence de l’homme « noir », le manque de soutien des afroféministes depuis qu’il est transboy comme si toutes les oppressions vécues pendant 29 ans s’effaçaient…alors qu’elles se cumulent avec les actuelles.
Recueil riche et émouvant, on ne peut que vous conseiller cette lecture.
S..
Pour poursuivre votre lecture, nous vous recommandons les traileurs des deux documentaires ci-dessous :