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L'Époux est une œuvre dense et poétique qui explore les méandres de l'amour, de la foi et de l'identité. À travers une écriture ciselée, l'auteur retrace son mariage avec son compagnon dans un contexte marqué par l'homophobie et le rejet familial. Ce récit intime devient le point de départ d'une quête métaphysique, où se mêlent questions religieuses et réflexions sur la fragilité humaine. 
La relation entre le narrateur et son époux est décrite avec une tendresse qui évite tout sentimentalisme. Les mots d’Autréaux pour évoquer son compagnon — ses gestes, son corps vieillissant, les lettres de son nom « pleines de souffles froissés » — sont autant de fragments poétiques qui bercent lela lecteuriste. Pourtant, cet amour se heurte à l’hostilité d’une belle-famille juive qui rejette autant leur homosexualité que son union avec un goy (un non-juif). Ce rejet, paradoxalement, devient une voie d’accès à la judéité pour l’auteur, qui en vient à épouser non seulement un homme, mais aussi une culture, une histoire, et une condition minoritaire.
Autréaux, élevé dans l’athéisme, a été un temps attiré par le christianisme avant de s’en détacher, influencé par Nietzsche, Freud et Darwin. Mais sa rupture avec la religion n’est pas un rejet de l’infini : c’est une recherche pour « ne plus croire sans perdre l’infini ». Son écriture explore ce vide laissé par Dieu avec une honnêteté troublante, mêlant mysticisme et rationalisme. Les références à Edmond Jabès, dont l’œuvre réinterprète la Torah à travers des dialogues avec des rabbins imaginaires, soulignent ce rapport entre littérature et sacré.
La judéité, autre thème de l'œuvre, est abordée avec une profondeur remarquable. Rejeté par sa belle-famille juive, le narrateur transforme l'exclusion en une forme d'appartenance. Les voyages en Terre Sainte et les lectures érudites enrichissent cette exploration, tandis que des phrases percutantes, telle celle d'Yitzhak Rabin (« la Bible n'est pas un cadastre »), résonnent avec l'actualité brûlante du Proche-Orient. Son rapport à Jérusalem, ville à la fois aimée et haïe, illustre cette ambivalence : comment concilier attachement culturel et rejet des dérives identitaires ?
Ce qui frappe, dans L’Époux, c’est la manière dont Autréaux transforme la douleur en beauté. Qu’il parle de la maladie, de l’homophobie, ou de l’absence de Dieu, son écriture reste élégante, sans jamais verser dans le pathos. Les dialogues intérieurs, les images poétiques (« visage vu de dedans »), les métaphores (« Deux visages venus du désert comme on vient de l’au-delà de la mémoire ») et les réflexions philosophiques s’entrelacent pour former un texte à la fois dense et aérien (« Dieu n’est-il pas commode pour endiguer et détourner un questionnement existentiel sans réponse ? »).
L’Époux est de ces rares ouvrages qui vous accompagnent bien au-delà de leur dernière page par sa profondeur, son humanité et sa langue magnifique.
On conseille ! 
S..

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